jeudi 26 avril 2018

Armes nucléaires : diviser ou unir ?

Le débat général à la commission préparatoire (Prepcom) de la Conférence d'examen du TNP s'est achevé hier à Genève. Il a finalement été révélateur du fossé qui s'est en partie créé au fil des interventions entre les puissances nucléaires (les P5) et la grande majorité des autres pays. L'audition, hier matin, de quinze représentants de la société civile dont une victime japonaise (une "hibakusha") et les maires d'Hiroshima et Nagasaki, a montré les attentes existant dans le monde.
Après les interventions des États-Unis et de la France que nous avons évoquées dans un article précédent, celles du Royaume-Uni, de la Chine et de la Russie ont montré, à des degrés divers, combien la pression pour faire évoluer les tenants de l'arme nucléaire, devra être longue et multiforme. La Chine a maintenu ses réserves vis a vis du futur Traité d'interdiction des armes nucléaires, en estimant que " Sur la base de la réalité actuelle de la sécurité internationale, le désarmement nucléaire ne pourrait être poursuivi que progressivement, en suivant les principes du «maintien de la stabilité stratégique mondiale» et de la «sécurité non diminuée pour tous», des arguments déjà avancés par la représentante française. Le représentant chinois a quand même fait preuve de plus d'ouverture, en reconnaissant que "la volonté et le droit des États non dotés d'armes nucléaires d'être à l'abri de la menace des armes nucléaires et de la guerre nucléaire doivent être respectés". Il a admis que "Les États dotés d'armes nucléaires devraient faire preuve de volonté politique et prendre des mesures plus concrètes pour s'acquitter de leurs obligations au titre de l'article 6 du Traité".
L'intervention du représentant russe a été beaucoup plus "musclée". Il a été très critique envers les décisions militaires des États-Unis de poursuivre le déploiement de systèmes anti-missiles, de perfectionner "les armes offensives stratégiques" ou d'envisager "de placer des armes dans l'espace".
Il a critiqué très fortement le Traité d'interdiction des armes nucléaires en estimant que "Cette initiative n'apporte aucune contribution à l'avancement vers le noble but déclaré. Tout au contraire, il menace l'existence même et l'efficacité de notre Traité de non-prolifération fondamental".
Ce raidissement des puissances nucléaires est-il productif dans ce qui devrait être un but commun : la construction d'un monde sans armes nucléaires ? Le directeur de la Croix-Rouge internationale leur a rappelé qu'il est "temps qu'ils renoncent aux menaces d'utilisation de l'arme nucléaire et à la modernisation des armements pour se consacrer à la pleine mise en œuvre des engagements qu'ils ont pris par le passé, notamment en 2010, en faveur de la réduction des arsenaux nucléaires, de l'atténuation des risques et, plus globalement, du désarmement nucléaire".
Ainsi que je l'ai écrit, en début d'article, en s'arc-boutant sur le privilège d'avoir des armes nucléaires, les P5 élargissent un fossé, comme l'a fait remarquer dans la séance des ONG, la représentante du réseau ICAN, prix Nobel de la paix : "Ces politiques et pratiques sont une source de grande division et de disharmonie dans la communauté internationale, et nous les condamnons sans réserve. Nous les condamnons parce que les armes nucléaires sont indiscriminées, inhumaines et illégales".
Deux jeunes filles, représentantes des jeunes activistes d'Abolition 2000, ont conclu la séance des ONG  en lançant un appel que chacun devrait méditer : "Aujourd'hui, nous représentons la génération, déterminée à vivre dans un monde sans armes nucléaires, objectif que tout le monde dans cette salle a accepté. Nous ne voulons pas nous asseoir dans votre siège dans dix ans, en nous apercevant que rien n'a changé".
Après les trois jours de séance générale, les journées suivantes sont consacrées à l'examen détaillé des trois "piliers" du TNP : désarmement, énergie nucléaire civile, non-prolifération.
Dans la première de ces séances qui a débuté en fin d'après-midi, l'intervention française, sur laquelle nous reviendrons plus longuement, n'a pas vraiment semblé s'inscrire dans une perspective constructrice. Le rappel des mesures de diminution du nombre des armes nucléaires françaises qui datent des années 1996 (plus de vingt ans !) peuvent-ils convaincre ces jeunes, qui étaient à peine nés alors ! La représentante française s'est également livrée à une attaque en règle du Traité d'interdiction des armes nucléaires, en l'opposant au TNP et aux autres processus de désarmement, tant conventionnels, balistiques ou cyber en cours, alors que son caractère complémentaire, notamment pour permettre la réalisation de l'article VI du TNP semble évident, et en tout cas, l'objectif à atteindre !
Comme cette argumentation semble décalée de cette autre partie de l'appel des jeunes quelques heures plus tôt : "Nous avons besoin de vous, distingués diplomates, pour parler, non seulement des visions d'un monde sans armes nucléaires, mais pour le réaliser. Nous sommes impatients d'être vos partenaires dans notre mission commune de réaliser immédiatement un monde exempt d'armes nucléaires".

mardi 24 avril 2018

Iran : peut-ouvrir sans dommage la boîte de Pandore ?

Il y a des télescopages de calendrier étranges. Ce lundi et ce mardi, à Genève, pendant la Prepcom du TNP, la quasi unanimité des intervenants ont insisté pour dire que l'accord réalisé sur le programme nucléaire iranien était un bon exemple de négociation politique. Le soutien à cet accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou "plan d'action conjoint" a été réaffirmé, non seulement par la France, mais aussi par le représentant de l'Union européenne. La Chine a préparé avec la Russie un projet de déclaration commune visant à exprimer le soutien de la conférence à ce plan. Pour la Russie, l'accord conclu entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Union européenne et l'Iran,  est "une combinaison unique de mesures développées dans le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU et des mécanismes de l'AIEA, qui a fait ses preuves". Seul le représentant des États-Unis avait fait des réserves lundi. L'annonce, ce mardi à Washington, des présidents Trump et Macron de "travailler à un nouvel accord plus large avec l'Iran" qui viserait à bloquer toute activité nucléaire iranienne jusqu’en 2025, empêcher à plus long terme toute activité nucléaire, stopper les activités balistiques de l’Iran et créer les conditions d’une stabilité politique dans la région, risque d'être le point central des discussions dans les couloirs à Genève ce mercredi.
L'annonce unilatérale par deux chefs d'État de modifier un accord alors que celui-ci n'avait pu aboutir, qu'après de longues discussions avec toutes les parties intéressées, en prenant en compte toutes leurs préoccupations, pose un énorme problème diplomatique ! La France vient ainsi de se repositionner en "donneuse de leçons", aux côtés d'un homme dont les humeurs fantasques font tressaillir jusqu'à l'ancien chef du FBI ! Peu d'observateurs penseront que le Président français a fait changer d'avis Donald Trump, beaucoup estimeront que les concessions sont du côté de M. Macron.
Qu'espère celui-ci en échange ? Pense-t-il pouvoir jouer de la proximité affichée avec le président américain pour gagner en stature internationale, voire infléchir les positions US sur certains dossiers ?
On ne peut s'empêcher de penser à un autre jeune chef de gouvernement, brillant, à l'avenir prometteur, qui, en 2002 et 2003, avait choisi de s'aligner sur le président Bush, en devenir le "meilleur ami" pour infléchir sa politique, disait-il. Il n'a pu empêcher alors les États-Unis d'envahir l'Irak en 2003 et le brillant Tony Blair, puisque je parle de lui, est devenu, pour une partie de l'opinion publique britannique, le "caniche de Bush".
Je ne pense pas que se joue aujourd'hui un "2003 à l'envers", bien que le bombardement "occidental" sur la Syrie ait déjà suscité cette référence. Mais il est clair que Emmanuel Macron n'a pas envoyé un bon signal à la communauté internationale. L'accord de Vienne sur l'Iran était un bon accord, un exemple d'accord politique ; en le fragilisant sous prétexte "d'élargissement", on risque de fragiliser toutes les démarches et négociations politiques, et valoriser à l'inverse les attitudes unilatérales et interventionnistes ! Ce mardi, à Genève, on a senti dans l'intervention du représentant russe une colère, de moins en moins contenue, face au pressing des occidentaux sur tous les aspects de la politique russe. Cela risque d'empirer demain, les relations internationales n'y gagneront rien.

lundi 23 avril 2018

Prepcom 2018 : la France fait du vent

La première séance de la Prepcom du TNP à Genève s'est ouverte ce matin. Mme Izumi Nakamitsu,au nom du Secrétaire général des Nations unies, a rappelé que "La menace de l'utilisation - intentionnelle ou non - d'armes nucléaires est croissante. Cette menace, qui concerne toute l'humanité, restera aussi longtemps que les armes nucléaires continueront d'exister dans les arsenaux nationaux".
Elle a rappelé que "Les États dotés d'armes nucléaires ont la responsabilité de leadership en matière de désarmement nucléaire". Malheureusement, les premiers discours des représentants des puissances nucléaires n'ont pas montré une volonté réelle de relancer une dynamique autour de l'application de l'article VI du TNP, par lequel les États "dotés" s'engagent à négocier de "bonne foi" le désarmement nucléaire. Le représentant des États-Unis s'est contenté d'un discours a minima, dans lequel il y a quelques "gentils" (les USA, par ex) et beaucoup de "méchants"(et il met dans le même panier ou presque, Iran, Irak, Syrie, Russie, Chine, etc.). Heureusement, il a quand même rappelé que le TNP avait eu le mérite de contenir la prolifération nucléaire ! Nous ne sommes pas complètement revenus en 2003 - 2005, lorsque le représentant étatsunien, Bolton, tirait à la mitrailleuse sur tous les traités de désarmement.
L'intervention de la représentante de la France, Mme Guitton, a été un exercice de style remarquable : comment masquer l'immobilisme nucléaire français sous des formules creuses, comment justifier le refus français d'impulser le désarmement nucléaire ? La représentante française n'a pu pour justifier que "conformément à une approche progressive et réaliste du désarmement nucléaire, la France a continué à mettre en oeuvre ses engagements au titre de l'article VI du TNP" que mettre en avant de vagues participations à des comités techniques, mais rien sur le plan politique concret de l'arrêt des mesures de "modernisation nucléaire" décidées dans les lois de programmation militaire actuelles.
Comme la diplomatie française se sent en difficulté par rapport aux initiatives de désarmement nucléaire, liées au TIAN, et popularisées en France par les 46 associations d'ICAN-France, la représentante française a annoncé péremptoirement qu'elle entendait "à present se tourner vers l'échéance de 2020". Tout le monde attendait des propositions politiques hardies et novatrices. Las ! Les propositions ne sont que des objectifs sans moyens d'action et donc peu atteignables : "adopter une réponse ferme et unie à toutes les crises de prolifération" (!), "renouer un dialogue multilatéral constructif et inclusif" ("cause toujours !"), deux "serpents de mer" avec la négociation d'un traité sur les matières fissiles, "l'entrée en vigueur rapide" du traité d'interdiction des essais nucléaires en panne depuis vingt ans, enfin la diminution des stocks d' armes nucléaires, mais chez les autres, les États-Unis et la Russie ! Ah, si, il y a eu un engagement concret, le "développement responsable et durable du nucléaire civil", c'est-à-dire le renforcement de la vente de centrales nucléaires ! La diplomatie française est malheureusement aujourd'hui de plus en plus réduite en matière nucléaire à essayer de "vendre du vent", pour pallier aux carences des politiques présidentielles françaises en matière de sécurité internationale innovante !
Par rapport à tous ces discours creux, l'intervention du représentant du Saint-Siège, a été un moment de fraîcheur intellectuelle et éthique. Celui-ci a rappelé que "Les armes de destruction massive, en particulier les armes nucléaires, créent un faux sentiment de sécurité. L'illusion tragique d'une "paix" basée sur la peur est au mieux superficielle". Il a affirmé avec fermeté que "tant ce traité [le Traité d'interdiction des armes nucléaires] que le TNP sont inspirés et conduits par les mêmes impératifs moraux et les mêmes objectifs. À cet égard, ils se renforcent et se complètent mutuellement". Enfin, il a ajouté que "Le désarmement nucléaire et la non-prolifération sont liés au désarmement intégral et cela est lié au développement humain intégral, que le pape Paul VI a défini comme un autre nom pour la paix".
En bref, cette première journée a planté le décor des enjeux d'un monde plus sûr et pacifié demain. Soit la poursuite d'une situation inégalitaire, dangereuse et instable, où certaines puissances considèrent que les armes nucléaires sont bonnes pour leur sécurité mais pas pour celle des autres pays.
Soit un sursaut politique et éthique pour dire : oui, il faut s'engager résolument dans la voie du désarmement nucléaire contrôlé et maîtrisé pour construire une nouvelle sécurité commune, et il faut prendre en compte tous les apports en ce sens, dont le nouveau Traité d'interdiction, en cours de ratification.
Daniel Durand

dimanche 22 avril 2018

Genève 1998 - Genève 2018 : vingt ans de surplace ?

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Il y a vingt ans , en 1998, se tenait la 1ère Prepcom à Genève du processus d'examen continu du Traité de non prolifération nucléaire. Celui-ci venait, trois ans auparavant, d'être prorogé indéfiniment avec la promesse de conclure un Traité d'interdiction des essais nucléaires, de créer une zone sans armes nucléaires au Moyen-Orient et d'avancer sur le chemin de l'élimination "de bonne foi" des armes nucléaires en application de l'article VI du Traité. Sur ces trois engagements, seul le premier a été en partie réalisé: le TICEN a été signé en 1996 mais non entré encore en vigueur. J'étais présent à cette Prepcom de 1998, alors comme responsable national du Mouvement de la paix. Nous étions très lucides sur l'énorme effort de pression politique qu'il faudrait mener,notamment auprès des États "dotés" de l'arme nucléaire. Dans une lettre à tous les ambassadeurs de la Conférence, nous écrivions le 21 avril 1998 : "Le mouvement de la paix [demande] :
- l'accélération des mesures quantitatives de désarmement nucléaire par les cinq puissances, dans un meilleur respect de l'article VI du TNP,
- la discussion concrète pour démarrer la négociation vers un Traité d'abolition ou d'interdiciton complète des armes nucléaires, complétant le TNP, ce qui constituerait la seule parade réelle aux risques de prolifération
".

Pour montrer la volonté de l'opinion publique, nous avions appelé nos concitoyens français de la région Rhône-Alpes, à venir en délégations à l'ouverture de la Prepcom, le lundi 27 avril 1998. Près de 80 Rhône-alpins avaient répondu à cet appel. Une délégation des mouvements français, membres d'Abolition 2000, avaient été reçue par Mme Joëlle Bourgois, alors représentante de la France à la Conférence du désarmement, pour marquer cette volonté.

Que s'est-il passé depuis vingt ans ? À chaque étape de l'examen du TNP, à toutes les séances plénières, à toutes les Prepcoms, nous, ONG, avons argumenté pour montrer que la seule lutte efficace contre la prolifération était, non seulement d'améliorer les garanties de surveillance des tentatives de prolifération, mais d'abord et surtout, d'avancer concrètement sur la mise en oeuvre du désarmement nucléaire.
En 20 ans, les cinq puissances n'ont rien, ou si peu, fait en ce sens ! Cette stagnation explique l'impuissance de la communauté internationale à empêcher la Corée du nord, après l'Inde, le Pakistan et Israël de rejoindre le groupe des "dotés clandestins" ! On sait que d'autres pays comme l'Arabie Saoudite commencent à être impatients et prêts à franchir le pas. Vingt ans d'impuissance, c'est assez !

Heureusement, malgré cette impuissance et cette mauvaise volonté, nous avons réussi à faire se lever un vent frais d'espoir : les deux tiers des pays de la planète ont adopté en juillet 2017, le principe d'un Traité d'interdiction des armes nucléaires, un tiers l'a déjà signé en bonne et due forme en septembre, les processus de ratification ont commencé. Les puissances nucléaires, les pays qui les suivent servilement au sein de l'OTAN, doivent se ressaisir. le processus de soutien au Traité d'interdiction des armes nucléaires offre à tous les pays, et notamment aux pays nucléaires "dotés", le moyen de reprendre la mise en oeuvre concrète de l'article VI du TNP. Il est un instrument complémentaire et non un élément de division. Demain, avec un Traité d'interdiction généralisé, le processus de contrôle et de vérification du TNP pourra se déployer d'une manière renforcée.

Depuis 20 ans, que nous agissons et expliquons, nous n'avons pas perdu notre détermination, mes amis pacifistes et moi, à penser que le sens de l'histoire, l'avenir de paix pour l'humanité passe par une planète débarrassée, au plus tôt, des armes nucléaires !

Daniel Durand
1998 - 2018

dimanche 15 avril 2018

Intervention en Syrie : interrogations troublantes

"J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir cette nuit, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien" (communiqué de l'Élysée du 14 avril).
Ainsi, quinze ans après la position courageuse de la France refusant une action guerrière en Irak avec les États-Unis et le Royaume-Uni sans mandat des Nations unies, le président Macron vient de recréer une alliance "occidentale" pour mener une opération militaire internationale unilatérale.
Cette opération est clairement illégale selon la Charte des Nations unies qui rappelle que, seul le Conseil de sécurité, peut décider d'actions militaires et non des pays qui s’érigeraient en défenseurs du droit international. De la même manière, contrairement à ce qu'affirme le ministre des Affaires étrangères, la résolution 2118 du Conseil de sécurité ayant pour objet l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, adoptée à l'unanimité le 27 septembre 2013, précise que c’est aussi le Conseil de sécurité qui prend la décision d’intervenir militairement et non tel ou tel État.
Le bombardement de sites syriens supposés receler des installations ou des stocks d'armes chimiques a eu lieu le jour où des inspecteurs de l'OIAC arrivaient sur place pour mener une enquête pour avoir la preuve des agissements criminels de Damas la semaine précédente le 7 avril, à Douma.
Les dirigeants français civils et militaires ont déclaré que les objectifs de ces attaques militaires étaient clairement identifiés comme liés à la production d'armes chimiques, activité qui serait complètement illégale depuis que la Syrie, en 2013, avait été contrainte d'adhérer à la Convention internationale d'interdiction des armes chimiques, sous la pression politique conjointe de Barak Obama et Vladimir Poutine. Cet accord avait permis de détruire une partie considérable des stocks chimiques syriens.
Une question se pose : si les occidentaux avaient des preuves de la poursuite de programmes clandestins de la fabrication ou du stockage de telles armes, pourquoi n'ont-ils pas déployé des initiatives politiques fortes, en concertation ou en faisant pression sur les Russes, pour poursuivre la destruction et la mise sous surveillance de ces stocks, pour empêcher le régime de Bachar Al Assad de mener des bombardements criminels ?
On cherche en vain, depuis cinq ans, la trace de telles initiatives au Conseil de sécurité, en dehors de quelques déclarations formelles sans véritable campagne.
Ce dimanche 15 avril, la France a annoncé, par contre, qu'elle va déposer une résolution au Conseil de sécurité pour renforcer les inspections et la surveillance du processus de destruction des stocks chimiques syriens, ainsi que des propositions pour trouver une issue politique au conflit !
Cela amène à une terrible interrogation : pourquoi cette inertie politique pendant des semaines avant le bombardement du 7 avril ? Pourquoi des initiatives politiques maintenant après l'envoi de missiles illégalement ? A-t-on attendu que le régime de Damas franchisse la fameuse "ligne rouge" pour pouvoir ensuite accomplir une action militaire spectaculaire, sans doute peu efficace, mais permettant aux occidentaux comme certains observateurs l'ont fait remarquer, de revenir au premier plan de la scène politique du conflit syrien ?
Aurait-on délibérément pris le risque de voir périr des dizaines d'innocents pour faire un "coup" politique au lieu de tout faire pour prévenir des attaques criminelles de l'armée syrienne ? Je me refuse à croire à une telle hypothèse, mais je pense que, dans les cercles militaires français, étatsuniens, de l'OTAN, la culture dominante reste celle du primat de la force sur le respect du droit international et l'action politique.
Pourtant, depuis 2001, les solutions de force ont toutes été des échecs, de l'Afghanistan, à l'Irak, la Libye ou la Syrie. Seules les initiatives politiques d'Obama pour trouver une solution politique à la crise avec le programme atomique de l'Iran ont été une réussite.
La position militariste se trouve confortée par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, cet irresponsable, dont le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg, a appelé Jim Mattis, le chef du Pentagone, à protéger le monde des "tentations" de déclencher une guerre et à être prêt à s'opposer à d'éventuels ordres « impulsifs et irréfléchis ».
Il y a vraiment besoin que se développe un large mouvement d'opinion pour dire : faisons appliquer le droit international partout, pour empêcher les tyrans comme Assad de nuire, pour permettre à tous les peuples comme les peuples palestiniens et israélien de vivre en paix et dans la liberté, pour rejeter les vieilles  politiques de force des États en renforçant plus que jamais les institutions multilatérales comme les Nations unies permettant à tous les peuples de régler leurs différends en commun.