mercredi 27 septembre 2017

Contradictions et espoirs dans un monde incertain

L'ouverture de la nouvelle session annuelle des Nations unies, la semaine dernière, a mis à nu les contradictions du monde d'aujourd'hui. Nous avons entendu le secrétaire des Nations unies, Antonio Guterres, appeler à la prise de conscience des défis du monde, appeler à l’accélération du désarmement, notamment nucléaire et à la réussite de la campagne d’objectifs de développement durable, la campagne des objectifs 2030. « Face aux divisions du monde, nous devons agir pour faire régner la paix ». Il a rappelé que, face au danger nucléaire et à la crise nord-coréenne, « la solution doit être politique et les dirigeants doivent faire preuve de sagesse ». Face aux inégalités croissante, il a expliqué que « plus de personnes se sont extirpées de la pauvreté extrême que jamais auparavant. Au niveau mondial, la classe moyenne est plus importante que jamais. De plus en plus de personnes vivent plus longtemps et en meilleure santé. Mais les progrès ne sont pas équitables. Les disparités sont criantes, qu'il s'agisse des revenus, de l'égalité des chances ou de l'accès aux résultats de la recherche et de l'innovation ».
Face à ce discours de sagesse et d'appel à l'action positive, nous avons entendu ensuite le discours du président Trump pousser à la caricature le discours du chacun pour soi, que les plus forts s’imposent et cela ira mieux, tant pis pour les faibles ou pour les « États-voyous » ou qualifiés tels ! Nous réglerons les problèmes du monde dans la violence, le fracas des bombes et des missiles, nous raserons les territoires des « maudits » ; n'a-t-il pas dit « nous n'aurons d'autre choix que de détruire totalement la Corée du nord » ! Comme une incantation, il a repris plusieurs fois l'idée que « le succès des Nations unies dépend de la force indépendante de ses membres », « l'État-nation demeure le meilleur moyen d'élever la condition humaine », réaffirmant que « en tant que président des États-Unis, je mettrai toujours l'Amérique en premier ». Comme si d'un trait de plume, d'un tweet ou d'un discours, on pouvait faire disparaître le tissu de normes communes, de relations commerciales, économiques, juridiques, sociales formé par les centaines de traités et d'accords qui ont pacifié et uni le monde depuis 1945 !
Jamais cynisme, folie n’ont été aussi crûment étalés alors que les décennies précédentes ont montré l’échec des solutions de force, « l’impuissance de la puissance » en Afghanistan, en Irak, au Moyen-Orient.
Après une intervention aussi agressive, le discours du président français Emmanuel Macron a réaffirmé heureusement les valeurs portées par la France et les nombreux pays qui croient depuis 70 ans, la création des Nations unies, à la nécessité de la coopération internationale et du multilatéralisme !  Il a défendu la primauté des solutions politiques négociées, la place des humains dans l’avenir de notre planète. Sur le fond, face au discours destructeur de Trump, le discours du président français a été utile et nécessaire. Il aidera certainement des pays à se positionner positivement face à l’arrogance de Trump comme le discours de D. de Villepin l’avait été en 2003 face à G. W. Bush.
Il était nécessaire qu'il rappelle que « le multilatéralisme, c'est la règle du droit, c'est égalité entre les peuples, c'est l'égalité de chacune et de chacun d'entre nous, c'est ce qui permet de construire la paix et relever chacun de nos défis », et qu'il réaffirme clairement que « oui, pour ce faire, l'organisation des Nations unies a toute légitimité pour agir et préserver les équilibres du monde » !
Beaucoup ont été rassurés qu'il dise que l'accord sur la COP21 sur le climat « ne sera pas renégocié » et qu'il « respecte profondément la décision des États-Unis et la porte leur sera toujours ouverte, mais nous continuerons avec tous les gouvernements, avec les collectivité locales, les villes, les entreprises, les ONG, les citoyens du monde à mettre en œuvre l'Accord de Paris ».
Souligner l'utilité de ce discours, c'est aussi être lucides sur ses limites ! Celles-ci sont claires : concrètement, le président Macron a été muet sur les questions essentielles de la démilitarisation des relations internationales, des dominations militaires ET, sur le plan intérieur, le gouvernement français continue d'augmenter son budget militaire, le « sanctuarise » pour modernise son arsenal notamment nucléaire.
Nous avons vécu ce même type de « grand écart » politique en 2003 ! Cette année-là, lorsque nous approuvions le discours de M. de Villepin aux Nations unies s'opposant à G.W. Bush et à l'invasion de l'Irak, nous n'oubliions pas pour autant les programmes nucléaires en plein essor à l'Île Longue, la hausse des dépenses militaires, l'affaire des « odeurs » de Jacques Chirac, et, deux ans plus tard, nous avons été nombreux à nous mobiliser contre le CPE, institué par un premier ministre, nommé de Villepin !
En fait, en ce mois de septembre 2017, nous avons ainsi la démonstration que le pouvoir des États au plan international, doit être équilibré, bousculé par l’expression des peuples, par le biais des opinions publiques, des organisations, élus locaux, membres des sociétés civiles.
Nous avons vécu, cette même semaine, une illustration extraordinaire de cette vérité. En même temps que les discours de MM Trump et Macron, le 20 septembre, a été ouvert à la signature, le premier Traité d'interdiction des armes nucléaires,obtenu grâce à l’action d’États moyen ou petits, qui s’opposent aux grandes puissances (plus de 50 États l'ont déjà signé, dont le Vatican), et grâce à l’initiative des sociétés civiles, d’institutions humanitaires comme la Croix-Rouge, de réseaux d'associations et d'ONG comme ICAN (International network for the abolition of nuclear weapons). La symbolique de cet événement est renforcée par le fait que ce Traité est signé 20 ans après, presque jour pour jour, la signature de la convention d’Ottawa, sur l’interdiction des mines anti-personnels, premier traité « humanitaire » imposé par les société civiles !
Alors, oui, nous sommes toujours dans un monde dangereux, où le pire peut échapper au contrôle, mais jamais, la scène internationale n'a été aussi complexe, aussi riche de potentialités et de nouveaux outils pour tous ceux qui veulent enraciner les fondations d'un monde de paix et de justice.

29 septembre 2017