mardi 10 mars 2015

Nucléaire encore... toujours ? (1)

Depuis le début de l'année 2015, trois grands sujets internationaux ont occupé la scène médiatique : les exactions terroristes de Daesh et de ses suppôts, les affrontements en Ukraine et... les débats sur les armes nucléaires.
Ce dernier sujet a été abordé sous l'angle habituel des risques de prolifération autour des supposées menaces d'acquisition par l'Iran et la prestation comico-tragique de Benyamin Netanyahou devant le Congrès des États-Unis. Il s'est développé aussi sur le fond, sur la pertinence des armes nucléaires aujourd'hui, au travers de multiples interviews en France du général Norlain ou de l'ancien ministre Paul Quilès et, bien sûr, après le discours sur la dissuasion tenu à Istres par François Hollande, le 19 février dernier.
Qu'en retenir comme éventuels éléments nouveaux ?
Concernant le nucléaire iranien, le jeu de ping-pong diplomatique continu avec l'Iran qui cherche à poursuivre son programme civil avec le moins de contraintes possibles, pour laisser subsister une ambiguïté stratégique sur ses intentions et possibilités face à un Israël qui possède déjà un nombre de têtes nucléaires appréciable (une centaine ?), non autorisées par le régime du TNP et donc, par le droit international. L'Iran n'entend pas non plus, à aucun prix, sembler perdre la face et son statut de première puissance régionale. Il semble que du côté des puissances nucléaires officielles, notamment des États-Unis et de la France, l'hypothèse d'un règlement politique comme seule solution réaliste soit majoritaire et qu'un accord puisse aboutir, en espérant qu'il soit signé avant le départ de Barack Obama...
L'attitude de M. Netanyahou qui n'hésite pas à jouer avec le feu diplomatique pour de vulgaires préoccupations électorales intérieures est d'autant plus critiquable.
Dans la même période, on a assisté aussi à des déclarations, considérées jusqu'à présent comme des rodomontades des dirigeants nord-coréens sur leur capacité de fabrication de bombes atomiques. Début février, Pyongyang avait semblé exclure toute reprise du dialogue avec les États-Unis, menaçant de répondre à toute «guerre d’agression» américaine par des frappes nucléaires et des actes de piratage informatique. La Corée du Nord menace souvent les États-Unis de frappes nucléaires mais le pays n’a pas démontré sa capacité à lancer des missiles balistiques capables d’atteindre le territoire américain. Mais selon un scenario établi par des spécialistes américains, Pyongyang posséderait, dans cinq ans, 20 armes nucléaires, certaines étant assez miniaturisées pour être portées par des missiles balistiques capables d’atteindre le Japon, voisin de la péninsule coréenne.
La situation de la Corée du nord qui s'est retirée du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire ), le non-contrôle des arsenaux possédés par Israêl, l'Inde et le Pakistan montrent bien les limites de l'application de ce traité dont une Conférence d'examen (elle se déroule tous les cinq ans) aura lieu à New-York en avril prochain. On peut craindre une nouvelle impasse si les puissances nucléaires ne font pas preuve de plus d'esprit d'ouverture et d'initiative. L'attitude diplomatique de la France telle que le président Hollande l'a confirmée à Istres en février est révélatrice. Les deux priorités diplomatiques françaises seront : "l’entrée en vigueur au plus tôt du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Je le dis d’autant plus aisément que la France a fait la démonstration que la renonciation complète, irréversible aux essais nucléaires était compatible avec le maintien d’une dissuasion crédible" et la "seconde priorité, c’est l’arrêt définitif de production de matières fissiles pour les armes.(...) la France proposera dans les semaines à venir un projet de traité ambitieux, réaliste et vérifiable, sur ces questions".
Les deux objectifs sont louables et méritent d'être soutenus mais... s'ils ne sont pas accompagnés d'initiatives politiques sur une troisième question fondamentale, qui est celle des engagements concrets, planifiés et véritables des puissances nucléaires officielles d'aller dans un délai rapproché vers un désarmement nucléaire total, les deux priorités énoncées ne seront que des effets de manche diplomatiques sans espoir de réussite et les dirigeants français le savent bien ! Le "double standard" créé dans le TNP entre les états "dotés" (possédant au départ l'arme nucléaire) et les états "non-dotés" (s'engageant à ne jamais chercher à acquérir l'arme nucléaire) devait se résoudre par l'application de l'article VI du traité dont lequel les états nucléaires s'engageaient à aller à ce désarmement nucléaire. 45 ans après, le "double standard" devient de plus en plus insupportable. Il est clair que seul des modifications profondes des rapports de force politique peuvent faire bouger les lignes.
Plusieurs signes encourageants se sont manifestés depuis ce début d'année, comme je l'ai écrit précédemment. Les déclarations de certains experts français comme Norlain et Quilès ont été beaucoup plus largement reprises dans les médias audio ou télévisés. C'est nouveau. Ce n'est pas un hasard si le ministre Le Drian a essayé de réfuter les arguments de ces spécialistes, tout comme le président de la République à Istres, sur le thème très défensif : "ce n'est pas le moment de baisser la garde"...
Les choses bougent également du côté de la société civile : le Mouvement de la paix français annonce l'envoi d'une délégation de cent Français à New-York pendant les discussions du TNP. Enfin, la campagne pour exiger des discussions sur l'établissement d'un traité international d'interdiction des armes nucléaires sur la base du refus des conséquences humanitaires inacceptables d'un conflit nucléaire, semble marquer des points. Le réseau d'ONG, la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), a reçu le renfort de pays comme l'Autriche, le Mexique, la Suède qui popularisent un "engagement" diplomatique officiel comme base de ralliement et de futures négociations diplomatiques.
Nous reviendrons dans un prochain article sur le récent discours à Istres du président Hollande pour justifier la dissuasion nucléaire française.

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