dimanche 4 janvier 2015

Dépenses militaires : suite..

Dans un précédent article en décembre dernier (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/12/depenses-militaires-ou-va-t-on.html), j'ai émis de fortes réserves sur le montant des dépenses militaires engagées par la France en 2015. Ces orientations ne reflètent pas des choix clairs en faveur de la lutte politique pour un monde moins armé et moins dangereux.
Qu'en est-il du contexte international ? La fin de l'année 2004 a vu se multiplier les réflexions diverses sur l'évolution des militarisations dans le monde.
Selon une étude du cabinet américain IHS, la dégringolade des cours du brut, qui ont perdu plus de 50% depuis la mi-juin, va influer sur les budgets de défense dans le monde. Elle va restreindre les marges de manoeuvre des pays producteurs, mais élargir celles des consommateurs,
Les dépenses liées à la défense dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, grands producteurs de brut devraient donc se stabiliser en 2015, alors qu’elles avaient bondi de près de 30% entre 2011 et 2014, d’après le même rapport d’IHS de mi-décembre dernier.
Par contre, « la baisse des cours du pétrole devrait avoir un effet positif sur la croissance économique en Chine, en Inde et en Indonésie (grands consommateurs de brut, Ndlr.) et aidera les finances gouvernementales » de ces pays, pointe l’étude. La Chine et l’Inde devraient donc continuer à présenter une croissance de leur budget de défense de plus de 5% dans les prochaines années.
Pour l'IHS, pour la première fois depuis 2010, les dépenses mondiales liées à la défense sont reparties à la hausse en 2014. Elles affichent une très légère progression de 0,85%, à 1597 milliards de dollars. Cette croissance est principalement attribuable au ralentissement de la baisse du budget militaire des Etats-Unis (n°1 mondial) mais aussi à une forte croissance des dépenses en Russie (+17,8% en 2014). Pour autant, le cabinet IHS, spécialisé dans le secteur énergétique, envisage une stabilisation des dépenses mondiales en matière de défense au cours des deux prochaines années. Il souligne que tout dépendra de l’évolution des crises géopolitiques en cours.
Les répercussions de la crise ukrainienne sont éclairantes à cet égard. Selon la Tribune et l'AFP du 29 décembre, les dépenses prévues pour la défense et la sécurité par le gouvernement ukrainien devaient en revanche pratiquement quintupler à presque 5% du PIB pour atteindre, selon le gouvernement, 90 milliards de hryvnias (3,8 milliards d'euros). "Un niveau sans précédent", selon le Premier ministre Arseni Iatseniouk. Parmi les différentes mesures il est prévu que Kiev appelle en service encore 40 mille soldats en 2015. "Nous prévoyons d'appeler 40.000 hommes en 2015 et d'entraîner 10.500 personnes qui seront en service en tant que militaires professionnels" a informé le responsable de la Défense affirmant que en 2015 le total des hommes en force dans l'armée régulière montera à 250.000. L'Ukraine a éliminé le service militaire obligatoire en octobre 2013, mais elle l'a partiellement réintégré en mai après le début de la guerre civile dans les régions orientales.
L'Ukraine a également officiellement décidé, mardi 22 décembre, de renoncer à son statut de pays non aligné, une classification donnée aux pays, telle la Suisse, qui refusent de se joindre à une quelconque alliance militaire ou de s'impliquer activement dans un conflit armé.
Avec cette décision symbolique, Kiev espère ainsi se rapprocher de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), pour assurer sa sécurité.
« De facto, il s'agit d'une demande d'adhésion à l'OTAN, ce qui transforme l'Ukraine en un adversaire militaire potentiel de la Russie » qui sera contrainte de « réagir », a déclaré le premier ministre Dmitri Medvedev. Lors de sa dernière visite à Moscou, le 6 décembre, le président François Hollande avait assuré Vladimir Poutine du refus de la France de voir l'Ukraine rejoindre l'OTAN. Les deux présidents évoquaient les conditions d'une résolution du conflit dans l'est de l'Ukraine.
L'évolution de la situation en Ukraine tout comme celle de la guerre civile en Syrie montrent l'échec des politiques privilégiant la recherche de positions de force, les politiques de modifications volontaristes d'équilibre stratégique. Les habiller de mobiles humanitaires ou démocratiques ne suffit pas. L'enjeu fondamental reste soit la recherche de solutions politiques et multilatérales, incluant tous les acteurs politiques de la région ou soit la création d'affrontements armés, déstabilisateurs d'une région et de ses peuples.
Prendre des initiatives politiques adaptées pour trouver des solutions est la voie la plus réaliste et efficace, sauf à encourager la relance de courses aux armements.
Déjà, on constate que la Russie a lancé un programme de réarmement massif en 2011, promettant de dépenser 20 000 milliards de roubles (353 milliards de francs aujourd’hui, le double à l’époque) jusqu’en 2020. En 2015, les dépenses militaires vont augmenter de 30% (58 milliards de francs), soit 4,2% du PIB russe, un record. Les dépenses de sécurité atteignent désormais près d’un tiers du budget fédéral russe, alors que celui-ci fondra faute de croissance et de la chute des cours du pétrole.
La Russie risque de s'engager dans une impasse. Dans le journal suisse Le Temps, l’expert militaire Pavel Felgenhauer, estime que «Nulle part au monde, l’industrie militaire ne peut plus faire office de locomotive économique. L’innovation technologique vient du privé et le militaire en profite parfois. Pas l’inverse. Les plans de Poutine sont voués à l’échec. Non seulement le budget ne permet plus d’assumer le réarmement, mais les technologies de pointe sont en Occident.»
Face à la crise économique mondiale, le Pentagone, aux États-Unis, est soumis également à de lourdes interrogations.
Selon le site http://www.opex360.com, les dépenses militaires des États-Unis s’élèveront à plus de 565 milliards de dollars au total.
Le budget de base du Pentagone sera de 490 milliards, soit une somme légèrement plus importante qu’en 2014 (+3,3 milliards). Il faut également ajouter 64 milliards de dollars pour les opérations extérieures, les "OPEX" étatsuniennes (ces dernières sont financées via un budget distinct, appelé OCO, pour Overseas contingency operations) et 11.4 milliards de dollars pour la National Nuclear Security Administration (NNSA), qui, dépendante du département de l’Énergie, s’occupe des armes nucléaires.
Le montant du budget « OCO » est en baisse de  21,2 milliards par rapport à l’an passé, étant donné que les effectifs américains en Afghanistan seront réduits à 10.800 hommes. Toutefois, il est question de financer un plan visant à entraîner et à équiper l’opposition syrienne modérée ainsi qu’un programme d’entraînement à l’intention des forces irakiennes et kurdes contre les jihadistes de l’État islamique. Et il est prévu 1,3 milliard pour abonder un fonds de coopération antiterroriste avec des pays comme le Yémen, la Libye et la Somalie.
L'administration étatsunienne aurait souhaité poursuivre de manière plus affirmé le ralentissement du budget militaire mais elle en a été empêchée par la nouvelle majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. Celle-ci a imposé le maintien de plusieurs lignes de crédits qui devaient être amputées par le retrait de matériel vieillissant (avions A-10 Thunderbolt II, porte-avions USS George Washington, modernisation des chars M1 Abrams, financement du développement du système israélien Iron Dome.
Il est clair que le maintien d'un nombre important de crises internationales non-résolues importantes pèse sur le maintien de politiques de militarisations dangereuses pour la paix et la stabilité de la planète. On ne peut compter sur la pression de la crise économique pour espérer un ralentissement des dépenses militaires et des politiques d'armement. Une fois encore, ce qui sera en jeu en 2015, sera ou non le développement d'initiatives politiques fortes pour des solutions négociées aux conflits dans un cadre multilatéral, celui des Nations unies.

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