dimanche 31 août 2014

Diplomatie française : devoirs de rentrée...

La réunion de rentrée des ambassadeurs français qui avait lieu cette année les 28 et 29 août est traditionnellement un moment d'explication pédagogique de la diplomatie française. Le président Hollande a prononcé le discours d'ouverture le 28 août et Laurent Fabius celui de clôture le 29.
Qu'en retenir ? Les deux hommes ont largement insisté sur les dangers de notre époque : "un contexte particulièrement lourd" pour François Hollande pour qui, "rien ne serait pire que de faire croire que le monde n'est pas dangereux. Il l'est". Fabius va même plus loin en déclarant : "rarement avons-nous connu une telle accumulation de dangers, face auxquels la France doit être et est une puissance de paix".
Cette thématique du "monde dangereux" sert à démontrer plusieurs choses : la France (et ses dirigeants) agit avec fermeté, elle doit maintenir ses moyens militaires, elle doit assumer un rôle de puissance mondiale.
Cela permet à François Hollande de faire un "package" de toutes les positions françaises dans les différents conflits en esquivant les difficultés rencontrées dans plusieurs situations (Centrafrique, Syrie, par ex). À ceux qui soulignent que la France a eu parfois du mal à trouver des soutiens internationaux, il répond "que nous ne sommes pas seuls, nous sommes les premiers".
Mais dans son souci de montrer que la France est partout à l'initiative ("Nous sommes parfois même des pionniers dans la solidarité internationale."), le président Hollande en arrive à ne pas mentionner une seule fois (sinon pour le sommet sur le climat en 2015) le rôle et le soutien à apporter à l'organisation des Nations unies, pourtant la garante de la légitimité internationale ! À trop vouloir prouver, le discours présidentiel laisse sur sa faim : quelle responsabilité de la France dans l'aggravation et l'enlisement de la guerre civile en Syrie, pourquoi un soutien si fort dès le début aux opposants de la place Maïdan de Kiev en sachant que l'Ukraine était une nation fragile, pourquoi un soutien sans nuance au gouvernement israélien au début du conflit à Gaza sans pressentir qu'un bain de sang risquait de se produire ?
Il faut guetter quelques détours de phrases pour entendre des amorces de réflexion. François Hollande aborde rapidement la nécessité de ne pas continuer à mettre l'Iran à l'écart de la résolution des conflits dans la région ("C'est vrai que la crise irakienne démontre que nos préoccupations ne divergent pas toujours avec l'Iran et que ce pays peut être un interlocuteur (...) La France est prête à considérer l'Iran comme tel."). Par contre, le président ne reconnaît que du bout des lèvres que la Russie est un interlocuteur essentiel ("J'ai dit plusieurs fois à Vladimir POUTINE que la France et l'Union européenne souhaitaient poursuivre l'approfondissement de nos relations avec la Russie. Parce que la Russie est un grand pays, parce que la Russie a également son destin sur le continent européen et qu'il y a un lien historique, culturel, économique entre la Russie et la France. Mais, aujourd'hui, la crise ukrainienne est un blocage.").
Par contre, concernant le conflit israélo-palestinien, François Hollande essaie de revenir sur son attitude jugée par beaucoup trop tiède. Il affirme que "C'est le chemin de la paix qu'il convient de retrouver. Au plus vite. Chacun en connaît les conditions et les paramètres. Je vais les répéter : un État palestinien démocratique et viable, vivant aux côtés de l'État d'Israël en sécurité". Il propose que l'Europe s'engage plus fortement : "elle doit agir et utiliser tout le potentiel, par exemple, de l'initiative arabe de paix. Elle n'a pas été suffisamment prise en compte depuis 2002. C'est l'Europe qui fait beaucoup pour reconstruire, développer la Palestine. C'est l'Europe qui doit aussi faire pression, sur les uns et sur les autres, et ne pas être simplement un guichet vers lequel on s'adresse pour effacer les plaies de conflits récurrents". Mais pour que cet appel soit entendu dans une Europe aux positions si diverses, il faudra plus qu'un discours : il faudra des initiatives politiques fortes. François Hollande le voudra-t-il ?
Il revenait à Laurent Fabius lors de la clôture, d'essayer de montrer quelles cohérences et analyses de la situation internationales sous-tendaient le long égrenage des positions présidentielles. Il l'a fait en s'efforçant de re-"gauchir" le discours présidentiel, en justifiant par exemple "le choix par le président de la République de l’action, parfois de l’intervention, dès lors que celles-ci sont nécessaires et conformes au droit international, par exemple au Mali ou en Centrafrique. (...)D’où aussi notre action constante pour rechercher une paix durable entre Israël et les Palestiniens"...
De la même manière, il corrigea certains "oublis" du président comme, par exemple, sur le rôle des Nations unies : "nous plaiderons plus que jamais pour une société internationalement mieux régulée, sur les plans politique, économique, social et environnemental. De là notre appui constant à l’ONU, qui doit être réformée afin d’être plus représentative et efficace".
Enfin, il reconnut que " Les grands exercices de remodelage menés de l’extérieur après les deux guerres mondiales ou la décolonisation ne sont plus possibles : Libye, Syrie, Irak, Ukraine, Bosnie, Centrafrique, les progrès se feront à la fois par une approche internationale et, au cas par cas, avec les parties prenantes de l’intérieur".
Pour autant, le ministre a consacré la plus grande part de son discours à un essai de définition de ce qu'il appelle la "diplomatie globale" au coeur de laquelle, crise aidant, il place la "diplomatie économique" même s'il prend la précaution de dire que "la diplomatie économique ne doit en aucun cas nous conduire, vous conduire à négliger les autres aspects, tout aussi nécessaires à notre diplomatie globale. (...) La diplomatie stratégique est essentielle (les alliances, la sécurité, les partenariats politiques...), mais le sont aussi la diplomatie culturelle et éducative (les échanges d’étudiants, le développement de la francophonie, les années croisées,notre audiovisuel extérieur...), la diplomatie scientifique, la diplomatie sportive et la diplomatie économique."
C'est au nom de cette "diplomatie globale" que Laurent Fabius a obtenu que son ministère s'appelle désormais : "Ministère des Affaires étrangères et du Développement international" et devienne le Ministère de "l'action extérieure de la France" : vision stratégique ou pré carré pour une ambition personnelle ? L'avenir le dira.
Cette journée des ambassadeurs a permis de préciser dans les discours un certain nombre des orientations de la politique extérieure française. En même temps, les esprits critiques rétorqueront que l'écart est souvent grand entre les intentions affichées et les actions concrètes sur le terrain.
Nous aurons l'occasion d'y revenir...
Daniel Durand (31 août 2014)

L'AGENDA DE LA QUINZAINE

LES ÉVÉNEMENTS DE LA SEMAINE ÉCOULÉE...

Mardi 26 août 2014 :
Israël et les Palestiniens ont annoncé mardi un accord pour un cessez-le-feu permanent au cinquantième jour d'une guerre la plus meurtrière de la décennie et qui a dévasté la bande de Gaza.
2 143 morts ont été décomptés (plus de deux mille morts palestiniens, près de soixante-dix côté israélien) et 11 000 blessés. 1,8 million de personnes ont été "affectées" dans la bande de Gaza par la guerre, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). Quatre cent soixante-quinze mille personnes ont notamment été déplacées, trouvant refuge dans les abris de l'ONU, du gouvernement palestinien ou chez des proches, toujours selon l'OCHA. Par ailleurs, de même source, près de 55 000 maisons ont été touchées par les frappes israéliennes, dont au moins 17 200 totalement ou quasi totalement détruites.

Vendredi 29 août 2014

Journée Internationale contre les essais nucléaires.
le 29 août marque la date à laquelle, en 1991, le Kazakhstan a fermé le site d'essais nucléaires près de Semipalatinsk où, ce même jour en 1949, l'Union soviétique avait effectué son premier essai nucléaire.
C'est en 2009 que les Nations Unies ont proclamé la création de la Journée internationale contre les essais nucléaires et choisi pour la célébrer la date du 29 août. Cette résolution (la 64/35) a été adoptée à l’unanimité.
Depuis juillet 1945, plus de 2000 essais nucléaires ont été réalisés, d'abord dans l'atmosphère, puis de façon sous-terraine ou sous-marine.
Un traité sur l'interdiction totale des essais nucléaires a été ouvert à la signature en 1996... mais jamais mis en application car la signatures de huit états dotés de capacités nucléaires manque : il s'agit de Chine, Égypte, États-Unis, Inde, Iran, Israël, Pakistan et République populaire démocratique de Corée.
Le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban, a appelé les États qui n'ont pas encore ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires à le faire au plus vite, en particulier ceux des huit derniers États cités à l'annexe 2 du Traité sans la ratification desquels le texte ne peut entrer en vigueur. « Ensemble, exigeons qu'il soit définitivement mis fin aux essais nucléaires, terminons de libérer le monde des armes nucléaires et ouvrons la voie à un futur plus sûr et plus prospère », a-t-il déclaré.

Samedi 30 août 2014 :

Les dirigeants de l'Union européenne, réunis samedi 30 août à Bruxelles, ont nommé deux nouveaux responsables européens. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a été désigné comme futur président du Conseil européen, et la ministre italienne des Affaires étrangères, Federica Mogherini, comme chef de la diplomatie de l'UE, "haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité". Elle succède à la Britannique Catherine Ashton et est issue du Parti démocrate italien.

CEUX DE LA SEMAINE À VENIR...

4-5 septembre 2014 :
Le sommet annuel de l'OTAN se tiendra les jeudi 4 et vendredi 5 septembre, à Cardiff (Royaume-Uni)
Au premier plan de l’ordre du jour du sommet figure la clôture de la mission de l’OTAN en Afghanistan. Le sommet au pays de Galles marquera également le 65ème anniversaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se prépare à déployer de nouvelles bases militaires pour la première fois de l’histoire en Europe de l’Est, a annoncé le Danois Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l’organisation. Cette décision a été prise officiellement, suite à la crise ukrainienne, dans le but de dissuader le président russe, Vladimir Poutine, de ce réer des problèmes dans les anciens pays baltes.
Il semble que des divergences existent entre les pays membres : si, pour le moment, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Pologne et les pays Baltes se prononcent pour l’aménagement de nouvelles bases militaires permanentes en Europe de l’Est, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce s’y opposent.
Le président Hollande a annoncé qu'il proposerait "de doter l'Alliance d'une capacité de réaction rapide, pour faire face aux crises, et dans laquelle chaque pays membre doit prendre sa part".

Relations internationales est de retour...

Bonjour,
après un "congé sabbatique" d'une année, le temps d'une pause personnelle, le blog "Relations internationales" reprend ses publications, avec un rythme, si possible hebdomadaire. J'espère que les lecteurs qui suivaient fidèlement ces articles retrouveront leurs habitudes...
Daniel Durand