mardi 24 mai 2011

Europe (1) : Les impasses militaires et politiques de la France, l'Union européenne, l'OTAN.

L'intervention de la France, de la Grande-Bretagne et de quelques autres pays européens (Belgique, Danemark, Italie) pour faire respecter la résolution 1973 du conseil de sécurité de l'ONU visant à protéger la population civile d'un risque de massacre par Khadafi et à imposer un cessez-le-feu est un échec politique et militaire. Certes, la population a été sauvée des bombardements de l'aviation libyenne, mais l'opération de « police internationale » qui était prévue dans la résolution de l'ONU s'est transformée en guerre en perdant l'adhésion de départ de l'Union africaine et de la Ligue arabe. Deux raisons principales président à cet échec : le mandat initial de l'ONU n'a pas été respecté, les bombardements auraient dûs se limiter strictement aux cibles de l'aviation libyenne et s'accompagner d'une initiative diplomatique forte avec les pays africains et arabes pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, or les bombardements des résidences de Khadafi ont vite montré que la coalition poursuivait d'autres buts. Cette perversion de la mission a été accentuée par la remise du commandement et de la coalition à l'OTAN qui a démontré, une fois de plus, son incapacité à sortir des visions du « tout-militaire », déjà évidente après son enlisement en Afghanistan.
À côté de l'échec militaire et politique de l'OTAN, la crise libyenne révèle un échec militaire et politique de l'Union européenne et de sa PESDC (Politique européenne de sécurité et de défense commune). L'Union européenne n'a pas voulu utiliser ses capacités d'assurer la coordination autonome de son intervention, comme elle l'avait fait en juin 2003 en Ituri (RDC), et elle n'a pu entraîner qu'un nombre réduit de pays (cinq sur vingt-sept) du fait des ambiguïtés de la mise en œuvre du mandat de l'ONU. C'est aussi un échec politique pour l'Europe qui apparaissait jusqu'alors comme un bon défenseur du droit international. En acceptant le détournement de fait de la résolution 1973 de l'ONU, elle a affaibli le concept de « la responsabilité de protéger » qui va devenir plus complexe à appliquer de nouveau. Le peuple syrien en a été la première victime, puisque tous les membres du Conseil de sécurité se sont trouvés embarrassés pour prendre des mesures claires et nettes à l'encontre du régime sanglant d'Achar Ben Assad. Il n'y a pas eu de sanctions politiques et économiques coordonnées par les Nations unies, pas de consensus trouvé dans la Ligue arabe pour des initaitves politiques pour faire cesser la répression.
Il y aura besoin demain, de nouveaux rapports de force pour que, si une situation à la libyene se représentait, les résolutions du Conseil de sécurité soient sans ambiguÎtés, clairement circonscrites et conduites sous le leadership onusien.
Le troisième échec politique, révélé par les dernières crises, est celui de Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait décidé de privilégier l'OTAN en revenant dans le commandement intégré de cette structure en 2009 en espérant jouer un rôle plus grand auprès des pays européens dans l'ombre des États-Unis : les divisions européennes sur l'intervention en Libye montrent son erreur. Du coup, sur le plan militaire, il a mis encore plus en lumière la fragilité militaire française dans ce type d'opération avec une aviation menacée de paralysie par manque de munitions après quelques semaines d'opération. l'armée française a payé l'enlisement en Afghanistan.
Ces impasses militaires et surtout politiques de la France, de l'Union européenne et de l'OTAN doivent être l'occasion de l'ouverture de nouveaux débats et réflexions sur les conditions d'une sécurité mondiale et d'une sécurité européenne nouvelles et sur leurs conséquences sur le développement de la défense européenne. Nous l'aborderons dans un prochain article.



mercredi 4 mai 2011

Lueurs de paix en Palestine et Israël ?

Les perspectives politiques en Palestine et Israël semblent se réouvrir timidement, à la fois par "le haut" et par le "bas".
Par "le bas", la société civile israélienne commence à se re-mobiliser plus largement. Début avril, une quarantaine de personnalités, dont beaucoup d’anciens officiers de haut rang, lançaient une "initiative de paix israélienne" en réponse à l’initiative de paix arabe de 2002. Fin avril, 21 lauréats du prix d’Israël publiaient une pétition en faveur de la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Parmi ces pétitionnaires, figurent les professeurs Yéhoudah Bauer et Ze’ev Sternhell, le graphiste David Tartakover, l’ex-président de l’Académie des sciences Menachem Yaari, la fondatrice du Meretz Shoulamit Aloni, l’actuelle conseillère municipale de Tel-Aviv et fille de l’ex-général Moshé Dayan Yaël Dayan, le peintre et sculpteur Danny Karavan, ainsi que le dramaturge Yéhoshua Sobol. Ils affirment que « Israël est le lieu où naquit le peuple juif et où se forgea son caractère national. La Palestine est le lieu où naquit le peuple palestinien et où se forgea son caractère national" et appellent " tout individu en quête de paix et de liberté pour les deux peuples à soutenir la déclaration d’indépendance de l’État palestinien, et à agir dans un sens qui encourage les citoyens des deux peuples à nouer de bonnes relations sur la base des frontières de 1967. La fin de l’occupation est une condition sine qua non de la libération des deux peuples. » Du côté palestinien, les choix de solution politique non-violente se sont renforcés grâce à l'action du gouvernement de Mahmoud Abbas, aux ONGs palestiniennes en Cisjordanie, mais même, ce qui était moins évident, à Gaza. Il est significatif que le chef d'orchestre israélien Daniel Barenboïm ait pu dirigé ce mardi à Gaza un "concert de la paix" avec l'Orchestre pour Gaza, composé de musiciens exerçant dans des orchestres européens de premier plan. Cet événement culturel, au cours duquel des œuvres de Mozart ont été jouées, était co-organisé par des organisations non gouvernementales palestiniennes. L'audience comprenait « un large éventail de la société civile et des étudiants de Gaza », a précisé le porte-parole du Secrétaire général des Nations unies dans une déclaration.
Si les choses bougent "en bas", elles bougent aussi "en haut" : l'idée de la reconnaissance sans attendre d'un État palestinien a progressé fortement.
Le 12 avril 2011, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, a publié un rapport affirmant que "L'Autorité palestinienne est prête à gouverner un potentiel Etat de Palestine (...) Dans les six zones où les Nations Unies sont le plus engagées, les institutions gouvernementales sont désormais suffisantes pour le bon fonctionnement du gouvernement d'un État ». Dans ce rapport, Robert Serry regrettait la division des Palestiniens à Gaza notant que ce territoire « reste en dehors du contrôle de l'Autorité Palestinienne mais reste essentiel à la construction d'un État palestinien ».
Or, le 27 avril dernier, le Fatah, mouvement du président palestinien Mahmoud Abbas, et le mouvement rival Hamas ont conclu un accord de réconciliation qui prévoit la formation d'un gouvernement intérimaire et la tenue d'élections dans le courant de l'année. Pour un grand nombre d'observateurs, la réunification était essentielle pour parvenir à une solution à deux États dans le cadre de négociations entre Israéliens et Palestiniens. L'enjeu est que la réconciliation se déroule d'une manière qui promeuve la cause de la paix. La politique sanglante d'attentats visant des civils et d'envoi de roquettes, lancées à l'aveuglette par le Hamas, était et reste injustifiable, tout comme la politique d'occupation et de répression aveugle du gouvernement israélien, mais les réalités du terrain et des rapports de force politiques, peuvent faire bouger les situations.  Dans une récente interview  sur la chaîne britannique Channel Two, Mahmoud Abbas a affirmé que le Hamas accepte un État palestinien dans les frontières du 4 juin 1967 et qu’il croit possible de le persuader d’accepter la paix.
C'est à la communauté internationale de veiller aux engagements de tous, envers tout processus de paix, encore faut-il que tout soit fait pour surmonter l'hostilité d'une grande partie du gouvernement israélien actuel et d'aboutir à la création rapide de l'État palestinien. Cette question doit être posée devant l'Assemblée générale de l'ONU en septembre prochain. Selon l’ambassadeur français à l’ONU, la France et l’Union européenne « réfléchissent à l’option de reconnaître un État palestinien dans l’optique de créer un horizon politique à même de relancer le processus de paix ». Le temps presse maintenant, car la création d'un tel État doit être soutenue, tant par l'Assemblée générale que par le Conseil de sécurité. Ce serait un réel appui si la France, l'Union européenne reconnaissaient dès maintenant officiellement l'État de Palestine, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-est comme capitale, même si les obstacles juridiques sont encore nombreux. L'action des citoyens en direction des autorités françaises est importante. Une appel-pétition, "L'Etat palestinien, c'est maintenant !"a été publié par Le Monde dans son édition datée du 29 avril 2011 et est en ligne sur http://www.petitions24.net/letat_palestinien_cest_maintenant . Malgré quelques insuffisances, notamment sa totale discrétion sur l'action du Hamas, c'est actuellement le meilleur outil disponible pour tous ceux qui souhaitent faire avancer l'indépendance de la Palestine, il mérite donc d'être diffusé largement. Cette pression en direction des autorités françaises et européennes n'exclut pas le soutien renforcé plus que jamais nécessaire aux forces qui, dans les sociétés civiles israéliennes et palestiniennes, agissent pour des solutions politiques et non-violentes.
3 mai 2011