lundi 14 février 2011

Culture de paix et/ou action pour la paix (4 et fin).

La définition et la promotion du concept de Culture de paix ont été un formidable appel d'air pour renouveler et donner une nouvelle vigueur à la lutte pour la paix : celle-ci ne se définit plus seulement "en creux", en lutte CONTRE la guerre, mais aussi en lutte POUR une paix durable et juste, POUR de nouvelles valeurs. De la lutte pour un développement durable à celle pour l'éducation à la paix, l'égalité des genres, ce sont les contours d'une nouvelle civilisation mondiale qui sont esquissés. Mais en promouvant un concept global qui embrasse une bonne partie des champs d'action sociétaux, le concept de Culture de paix porte un risque pernicieux : celui de brouiller ou de diluer éventuellement pour les mouvements de paix, leurs objectifs spécifiques d'action pour la paix, en une action tous azimuts brouillonne et finalement peu efficace.
En un mot, un mouvement de paix doit-il porter toutes les actions englobées dans le Programme d'action pour une Culture de paix : développement, éducation, genre, information, droits humains, etc.. ?
Je pense que non. Chaque acteur de la Culture de paix doit, me semble-t-il, d'abord assumer son "champ de responsabilités", donc pour un Mouvement de paix, dire : "non à la guerre, oui à une paix juste et durable, oui à la prévention des conflits, oui au désarmement et à la démilitarisation, oui à une éducation à la culture de paix".
Dans la nouvelle décennie qui s'ouvre, deux grands défis spécifiques me semblent ouverts à l'action des mouvements de paix : celui de l'élimination complète des armes nucléaires au travers de la signature d'une Convention mondiale d'abolition et celui de l'émergence et de la mise en place d'un Droit humain à la paix. Dans les deux cas, l'action persévérante de groupes d'ONG a permis aujourd'hui de disposer de textes fiables et pertinents. La Convention d'abolition des armes nucléaires a été mise au point par les juristes anti-nucléaires et est soutenue par les réseaux Abolition 2000 et ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires) ainsi que le réseau "Mayors for peace" et commence à être officiellement soutenue par une majorité de pays aux Nations unies.
La Convention pour un Droit humain à la paix a été élaborée par un groupe de juristes espagnols, sous l'impulsion de l'ancien directeur de l'UNESCO, Federico Mayor. Elle a été présentée officiellement en décembre dernier et soutenue par le réseau AIEP (Association internationale des éducateurs à la paix).
Avec ces grands objectifs, la lutte pour la paix peut faire des progrès décisifs d'ici 2020. Il est clair que si le Mouvement de paix n'impulsait pas ces actions spécifiques pour la paix, personne ne le ferait à sa place, et s'il n'y a pas action sur ce sujet, il n'y aura pas de culture de paix. Par contre du fait de sa sensibilité, de son rôle dans la naissance et la promotion du concept de culture de paix, les mouvements de paix doivent être des "éclaireurs", des "illuminateurs" de culture de paix pour aider à rendre plus visibles les connexions entre paix et développement, paix et droits humains, paix et égalité des genres, paix et diffusion d'une information participative.
Le problème n'est pas d'aller VERS les organisations ou coalitions de développement, de coopération, de solidarité, de droits humains, etc.. et de participer à leurs actions ou d'intégrer celles-ci, ni pour elles de venir simplement soutenir l'action des mouvements de paix, mais de construire ENSEMBLE un Mouvement mondial pour la culture de paix. Le projet de construire un mouvement rassemblant tous les acteurs qui oeuvrent aux différents domaines de la Culture de paix, quel que que soit cette fois-ci leur champ d'action et quelle que soit leur place dans la société mondiale (ONG, élus, États, institutions internationales) a été, dès le début, au coeur de la pensée des promoteurs de la Culture de paix. Pendant cette première décennie, l'accent a été mis, forcément, sur la diffusion et la promotion des concepts de la culture de paix. Aujourd'hui, dans les bilans réalisés tant par l'Assemblée générale des Nations unies que par les ONG, se retrouve l'idée qu'il faut maintenant passer à la construction de ce Mouvement mondial qui pourra donner toute sa forme et sa lisibilité à l'action généralisée pour une Culture de paix.
Dans ce cadre, les mouvements de paix ont la responsabilité d'être parmi les chevilles ouvrières de la construction de ce mouvement mondial de la culture de paix, pour qu'il prenne toute son ampleur et englobe bien toutes les dimensions de ce concept. Je crois également que, dans ce contexte général, les mouvements de paix et les citoyen-nes qui s'y investissent peuvent être également des porteurs et des "passeurs" de nouvelles pratiques "culturedepaix-istes", riches de militantisme, de tolérance, de non-violence active. Les comportements observés dans les événements récents de manifestations populaires en Tunisie ou en Égypte montrent que des évolutions des comportements tant collectifs qu'individuels ne sont pas forcément des utopies aussi inaccessibles que cela.
Notre série de réflexions sur le bilan, les enjeux de la culture de paix en 2011 se termine (provisoirement ici. Nous reviendrons dans un prochain billet sur des sujets plus "classiques", notamment sur le désarmement à la Conférence de Genève.
14 février 2011



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