jeudi 12 août 2010

La Conférence du désarmement a-t-elle (encore) un avenir... Réponse le 24 septembre ?

Après les cérémonies commémoratives d’Hiroshima et Nagasaki, l’attention des partisans de élimination des armes nucléaires devrait se tourner sur Genève en août, où la Conférence du désarmement tiendra du 9 août au 24 septembre la dernière partie de ses travaux pour 2010 : six semaines qui risquent d’être celles de la dernière chance pour cet organisme incapable depuis près de quinze ans de se mettre d’accord, ne serait-ce que sur son programme de travail ! les observateurs ou militants regarderont avec plus d’attention New-York, où le 24 septembre a été annoncée par M. Ban Ki-moon, conformément à la résolution du TNP de mai dernier, une “réunion de haut niveau sur le désarmement”. “Cet évènement”, a-t-il précisé, “aura pour thème principal la revitalisation de la Conférence du désarmement et l’intensification des efforts en faveur d’un traité d’interdiction de production des matières fissiles à des fins militaires”.
Le Secrétaire général de l’ONU a annoncé cette réunion, à la fin de son voyage au Japon. M. Ban a expliqué que cette participation « historique » aux cérémonies d’Hiroshima et Nagasaki -la première du genre effectuée par un Secrétaire général de l’ONU- avait renforcé sa détermination à travailler avec tous les États Membres à l’édification d’un monde sans armes nucléaires.
Cette réunion de haut niveau, a-t-il dit, s’inscrira à la suite « du discours de Prague du Président Obama, de la réunion des chefs d’État et de gouvernement des membres du Conseil de sécurité de l’an dernier sur le désarmement nucléaire et du Sommet de Washington sur la sécurité nucléaire ». 
Cette réunion aidera-t-elle la Conférence du désarmement à fixer pratiquement son programme de travail, et à se mettre au travail sur des projets concrets ? Pendant ce mois d’août, elle doit discuter d’un projet de programme de travail, proposé par la présidence brésilienne le 8 juillet dernier. Que propose ce projet, fourbi par la diplomatie brésilienne, très active depuis quelques mois, sur le plan du désarmement nucléaire ?
Ce projet de décision envisage la création de quatre groupes de travail chargés respectivement de la «cessation de la course aux armements nucléaires et désarmement nucléaire», de négocier un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires, de la «prévention d'une course aux armements dans l'espace» et de la question des «arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d'armes nucléaires contre l'emploi ou la menace d'armes nucléaires». Le projet propose également de nommer trois coordonnateurs spéciaux sur les «nouveaux types et systèmes d'armes de destruction massive (armes radiologiques)», un «programme global de désarmement» et la «transparence dans le domaine des armements». Ces propositions ont-elles une chance d’aboutir ? On peut en douter car le Pakistan a  rappelé qu’il jugeait inacceptable la négociation, envisagée dans ce texte, d'un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles, qui “porterait atteinte aux intérêts du pays en matière de sécurité”.
Certains pays, comme les États-Unis, ont-ils la volonté politique de faire pression sur le Pakistan pour qu’il fasse preuve de plus de souplesse ? Sont-ils, de leur côté, capables d’une certaine souplesse, pour entendre les préoccupations des pays non-nucléaires en matière de garanties supplémentaires de sécurité ? On peut craindre que soit choisie la politique du pire qui consisterait à ne rien faire pour débloquer les discussions à Genève et d’attendre que la réunion annoncée de New-York lève par magie tous les obstacles... Ce serait sûrement un pari risqué et la Conférence du désarmement pourrait y perdre le peu de crédibilité qu’elle possède encore.
Un diplomate brésilien a déclaré le 8 juillet dernier que “les difficultés auxquelles se heurte la Conférence ne proviennent pas de sa nature, de sa structure, de sa composition ou de ses règlements. La situation est beaucoup plus grave; il s'agit d'un blocage des relations internationales dans leurs dimensions les plus vitales, à savoir le pouvoir et la sécurité.” Il a raison : ce sont des conceptions de fond qui sont en cause comme l’ont montré certains affrontements à la dernière Conférence du TNP : conception de la sécurité, pertinence ou obsolescence des notions de dissuasion nucléaire, renforcement ou non du multilatéralisme et du droit international....

N.B : les incendies de l’été en Russie ont fait une victime supplémentaire : le mythe de la sûreté des installations nucléaires militaires (ou non d’ailleurs). Le mythe des gouvernements “sages” ou “stables” des pays possédant l’arme nucléaire, s’était effondré dans les années 90 en même temps que l’Union soviétique. Aujourd’hui, les incendies autour des centres nucléaires de Snejinsk dans l’Oural, qui élabore des armes nucléaires, et de Sarov, dans la région de Nijni Novgorod, où est situé un important centre de recherche nucléaire, fabriquant des armes atomiques russes, ont montré la vulnérabilité des installations face à des conditions météorologiques exceptionnelles.
Daniel Durand - 13 août 2010






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