lundi 2 août 2010

Armes à sous-munitions : entrée en vigueur d'une Convention d'élimination

Les armes à sous-munitions sont interdites depuis ce dimanche 1er août 2010 par les 32 pays qui ont ratifié la Convention d'Oslo.
Adoptée à Dublin (Irlande) le 30 Mai 2008 et ouverte à la signature à Oslo (Norvège) en décembre 2008, la Convention a été signée à ce jour par 107 États, 37 États l’ayant ratifiée. Le 1er août, l’intégralité des dispositions du traité prennent effet et deviennent juridiquement contraignantes pour tous les États parties. Signée à ce jour par 107 États, la Convention d'Oslo interdit l'emploi, la production, le stockage et le transfert des bombes à sous-munitions (BASM), qu'elle définit comme « une munition classique conçue pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kilogrammes, et comprend ces sous-munitions explosives ». La Convention prévoit la destruction des stocks d’armes à sous-munitions dans un délai de 8 ans, la dépollution des zones affectées par ces armes sous 10 ans ainsi qu’une assistance aux victimes et aux communautés affectées. Il s’agit, de par ces dispositions, de l’un des traités les plus aboutis dans le domaine des armes conventionnelles depuis la Convention d’Ottawa.
Larguées par voie aérienne ou tirées par voie terrestre, les BASM dispersent leurs sous-munitions sur de larges zones, mais 5 à 40% d'entre elles n'explosent pas au contact du sol. Actives pendant des années, elles continuent à tuer ou blesser des civils, en particulier des enfants tentés de les ramasser. 
Ces bombes ont été particulièrement utilisées pendant la guerre du Vietnam, dans les Balkans, en Iraq en 2003 et au Liban en 2006. Selon la Coalition contre les armes à sous-munitions (CMC) qui regroupe environ 300 organisations de la société civile originaires de plus de 80 pays, l'un des pays les plus touchés est le Laos, où 300 personnes en moyenne sont encore tuées ou blessées chaque année par des bombes à sous-munitions larguées pendant la guerre du Vietnam.

Toujours selon la Coalition contre les armes à sous-munitions, le stock mondial s'élèverait aujourd'hui à plus d'un milliard de bombes, dont l'essentiel dans les arsenaux des grandes puissances militaires comme la Chine, la Russie, les Etats-Unis et Israël, qui n'ont pas signé la Convention jusqu'à présent. Vingt-deux des 29 Etats membres de l'OTAN ont en revanche signé le texte, dont le Royaume Uni, l'Allemagne et la France qui possèdent chacun des stocks estimés à 50 millions de BASM.
Pour le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, ce nouveau traité qui introduit pour la première fois dans le droit international des dispositions précises sur l'assistance aux victimes civiles, est une «avancée majeure » pour débarrasser le monde de ces « armes ignobles ».
Pour Ban Ki-moon, l'entrée en vigueur de la Convention d'Oslo dimanche « traduit non seulement la répulsion collective dans le monde envers ces armes ignobles, mais aussi le pouvoir de la collaboration entre les gouvernements, la société civile et les Nations unies pour changer les comportements et les politiques face à une menace pour tous les êtres humains ».
Ce processus de désarmement avait été lancé après le succès du traité d'Ottawa, interdisant les mines antipersonnel. Comme celui-ci, l'originalité de la démarche a consisté dans les acteurs portant cette exigence : des ONGs (Handicap international, Amnesty international, unies dans un réseau international (CMC), centré uniquement sur l'objectif de la signature d'une Convention d'élimination, des institutions comme l'ONU, la Croix-Rouge internationale, des puissances moyennes (Norvège, Suède, etc...). Cette "alliance tri-partite" a lancé un processus de négociations et de Conférences en dehors des mécanismes diplomatiques habituels comme la Conférence du désarmement à Genève, ce qui a permis de faire preuve de plus de volontarisme, sans être freiné par la nécessité du consensus entre gouvernements. Le processus s'est appuyé d'abord sur la dimension humanitaire du problème et sa perception par l'opinion publique.
Cela explique que les discussions dans les années 2002-2006, puis la signature en 2008, ont conduit à l'entrée en vigueur en 2010, ce qui est très rapide.
Le revers de ce processus "volontariste", comme pour les mines antipersonnel, est que certaines grandes puissances, ne se sont pas jointes aux discussions et à la Convention. Cela affaiblit pour l'instant la portée du Traité.
Mais l'existence de ce Traité permet à la Coalition contre les armes à sous-munitions (CMC) de  disposer d'un point d'appui pour développer la pression sur les pays signataires pour qu'ils ratifient la Convention, et sur les non-signataires. On a vu que la Convention d'Ottawa a vu grandir considérablement son soutien après son entrée en vigueur, on peut penser qu'il en sera de même pour les armes à sous-munition.
Quelles leçons en tirer pour les armes nucléaires ?
Ce qui a été décisif dans les deux cas de Conventions d'élimination ci-dessus est l'existence d'un fort réseau international uni sur un but unique et la convergence entre société civile, institutions internationales et puissances moyennes. La dernière conférence du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) en mai 2010 a vu des progrès en ce sens : activité forte du réseau ICAN et de Mayors for peace, attitude active du Mouvement des non-alignés à la Conférence, engagement fort du secrétaire de l'ONU.
Une autre force des deux processus évoqués a été l'impact de la dimension humanitaire sur l'opinion. Pour l'arme atomique, la leçon terrible des survivants, les Hibakusha, est ancienne. Elle garde de la force et le texte adopté à l'issue du TNP évoque pour la première fois, les conséquences terrible de l'arme nucléaire sur le plan humanitaire. Une évolution des consciences peut-elle exister aussi sur ce plan ?
Cependant, l'arme nucléaire a des spécificités, une des principales est qu'il est difficile de sortir des enceintes internationales et de ne pas chercher à obtenir un consensus ou un quasi-consensus entre États. Contrairement aux mines et armes à sous-munitions, où un traité d'élimination peut vivre, continuer à croître même si des pays essentiels ne l'ont pas signé, le désarmement nucléaire exige que la majorité des pays possédant l'arme nucléaire lance le processus, et qu'à un moment, TOUS les possesseurs de ces armes, s'y joignent, pour permettre la sécurité de TOUS...
L'entrée en vigueur de la Convention d'élimination des BASM est donc un signal très positif et encourageant aussi pour les partisans d'une Convention d'élimination des armes nucléaires. Mais il faut savoir en tirer les bonnes leçons.
Daniel Durand - 2 août 2010


















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