jeudi 24 mai 2012

Sommet de l'OTAN : consensus de façade (1)

Le sommet de l'OTAN s'est déroulé à Chicago les 20 et 21 mai dans un climat de consensus apparent. Barak Obama et les États-Unis tenaient à ce que ce sommet, se déroulant sur leur sol, apparaisse sans heurts ni fausses notes. L'ordre du jour comprenait principalement l'examen des modalités du retrait en bon ordre de l'Afghanistan, l'avancée du "partage du fardeau" des dépenses de l'Alliance par les Européens, la confirmation des progrès du projet de bouclier anti-missiles en Europe, la consolidation de la nouvelle stratégie otanienne définie dans le "concept stratégique" adopté au sommet de Lisbonne en 2010.
Des communiqués apparemment très positifs ont été publiés sur ces questions. Le gouvernement français de M.  Eyraud (http://www.gouvernement.fr/gouvernement/le-sommet-de-l-otan-de-chicago) a estimé que "Ce sommet, qui a confirmé l’unité de l’Alliance et la solidarité des alliés, a permis au Président de la République de rappeler l’attachement de la France au lien transatlantique et son engagement au sein de l’OTAN".
Pour autant, à Chicago même, quelques milliers de manifestants d'origine diverse ont manifesté pour réclamer la dissolution de cette alliance.
Quels enseignements concrets peut-on tirer de cette réunion ?
La presse prédisait des heurts devant la volonté française de retirer les troupes nationales fin 2012, avec un an d'avance sur le calendrier initial de N. Sarkozy. En fait, comme il s'agit du seul retrait des troupes combattantes et que F. Hollande s'est engagé à continuer de laisser une présence française "conformément au traité bilatéral d’amitié et de coopération signé le 27 janvier dernier", l'annonce de ce retrait n'a pas desservi la présidence Obama qui pousse discrètement à l'accélération du retrait. L'ensemble du dispositif combattant otanien devrait passer le relais aux troupes gouvernementales afghanes avant la fin 2014. Comment évoluera ensuite la situation sur le terrain pour les forces afghanes, malgré l'assistance technique des pays de l'OTAN, peu sont capables de le dire. Le bilan de la présence militaire de l'OTAN, de son interprétation de la mission initiale donnée par le Conseil de sécurité de l'ONU, apparaît largement comme un échec.
Le deuxième sujet de la Conférence de Chicago était consacré à la confirmation d'une "capacité intérimaire de défense anti-missile", la première des quatre étapes devant mener à la mise en oeuvre complète à l'horizon 2018-20 du bouclier anti-missile voulu et dirigé par les États-Unis. Pour apaiser les craintes russes, il a été redit que le dispositif visait d'abord l'envoi de missiles vers l'Europe en provenance de pays hostiles comme l'Iran. Il sera composé d'un radar ultra-puissant installé dans l'Anatolie turque, de missiles déployés sur des frégates postées en Méditerranée et d'intercepteurs implantés en Pologne et en Roumanie.         
Ces précisions n'ont pas diminué l'hostilité russe dont le gouvernement invité à Chicago n'était représenté que par des personnalités de second rang. François Hollande s'est déclaré, dimanche 20 mai, "rassuré" quant aux garanties apportées sur la création d'un bouclier antimissile et estimé qu'il "ne peut pas être question que des pays puissent être menacés par ce dispositif antimissile". Pour le gouvernement français, ce dispositif s'inscrit "dans le respect de quatre exigences auxquelles la France est attachée : cette capacité ne se substitue pas à la dissuasion nucléaire ; elle est placée sous le contrôle politique des États ; elle s’inscrit dans un esprit de maîtrise des coûts ; elle devra davantage impliquer l’industrie européenne". Il faut pourtant noter que, par nature, un bouclier antimissile est une "menace" pour un pays concerné puisqu'il vise, en protégeant complètement un pays, à introduire un déséquilibre stratégique en empêchant toute attaque efficace de ce dit pays. il amène donc inévitablement une relance de la course aux armements en "obligeant" le pays concerné à essayer d'imaginer des armes plus puissantes visant à "percer" le bouclier prévu. C'est ce qui commence à se passer avec les nouvelles augmentations de budgets militaires russe et chinois.
Concernant le troisième volet du projet joliment appelé "smart defense" ou "défense intelligente", il vise essentiellement à trouver de nouvelles formes pour obliger les pays européens membres de l'OTAN à plus contribuer aux dépenses militaires de l'Alliance. Il consiste à proposer à des groupes de pays à la composition variable de développer et financer des projets militaires partiels mais réutilisés ensuite par tous les membres. Une vingtaine de projets de coopération ont été ainsi labellisés. Cela résoudra-t-il les difficultés financières auxquelles doit faire l'OTAN ? Cela paraît difficile : en 2008, l'impasse budgétaire (en partie réglée depuis) était de 9 milliards d'euros de programmes engagés pour un budget annuel d'investissement de 600 millions....
Un autre point abordé lors de ce Sommet de Chicago a été moins médiatisé : il s'agit du texte adopté concernant la "Revue de la posture de dissuasion et de défense". Ce texte reprend  la posture générale de l'OTAN face à l'ensemble des menaces contre l'Alliance qui avaient été définies de manière très large et globale dans le concept stratégique de l'OTAN défini à Lisbonne. Ce communiqué réaffirme que "Les armes nucléaires sont une composante essentielle des capacités globales de dissuasion et de défense de l'OTAN, aux côtés des forces conventionnelles et des forces de défense antimissile".
Que cache cette volonté de faire référence à des "menaces" très larges depuis la mondialisation, les cybermenaces, le risque de perturbation des approvisionnements en énergie, etc.. Volonté de jouer le "bras armé" mondial des États-Unis ou/et nécessité de justifier au 21e siècle la légitimité d'une alliance datant du milieu du siècle précédent ? Ce sera le sujet du prochain article..

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