lundi 13 septembre 2010

Le PS et et les relations internationales

le Parti socialiste réunit  le 8 octobre une convention nationale qui traitera des questions internationales (“La nouvelle donne internationale et européenne”). Un projet de texte, élaboré par Laurent Fabius et Jean-Christophe Cambadélis, secrétaires nationaux à l'Europe et à l'international, sera soumis au vote des militants le 30 septembre. Le journal Le Monde en a publié de larges extraits le 1er septembre. Les questions internationales, et, en leur sein, celles de paix, de défense, sont trop peu l'objet de débats publics, pour ne pas  se réjouir d’en voir ouvrir un au sein d'un des grands partis politiques français.
Le texte général présenté à la discussion est marqué évidemment par une critique forte de la politique de N. Sarkozy sur laquelle je ne m'étendrai pas et par un certain nombre de propositions. Écrit par des auteurs différents, ce texte est marqué par des difficultés à mettre toujours en cohérence les diverses propositions : cohérence entre positions sur le multilatéralisme en général et place et rôle de l'Europe, cohérence entre politique de sécurité globale et politique de défense, par ex...
Le PS consacre une place importante au soutien au multilatéralisme dans le monde et à la revalorisation du rôle de l'ONU : "Notre conviction demeure que l’ONU peut et doit être la clé de voûte du multilatéralisme de demain". Dans cet objectif, il propose quatre "chantiers" : 1/ "un élargissement du Conseil de sécurité (Inde, Brésil, Afrique du Sud …)", 2/ "un renforcement de la légitimité de l’Assemblée générale", 3/ "Une mise à disposition de l’ONU de moyens militaires d’intervention substantiels et permanents", 4/ "La reconnaissance de l’ONU comme l’enceinte suprême couronnant et coordonnant l’ensemble des organisations internationales". Ces propositions sont intéressantes et tranchent avec la diplomatie française actuelle (voir article précédent).
Mais, et c'est là que l'on reste un peu sur sa faim, la place de l'Europe dans la promotion du multilatéralisme et la relégitimation de l'ONU se trouve réglée en trois lignes de fin de paragraphe, où il est écrit : "la France ne peut espérer faire aboutir seule cette réforme du multilatéralisme.(...) C’est notre responsabilité de mettre l’Europe en mesure de porter un vrai plan d’ensemble afin d’apporter une réponse homogène et globale qui intègre aussi les intérêts légitimes des grands pays émergents. La France, en concertation notamment avec l’Allemagne, devra prendre l’initiative de ce plan européen pour le multilatéralisme du futur". On ne retrouve pas, non plus ensuite, cette articulation lors du long paragraphe consacré à l'Europe. Les trois thèmes retenus :  "une Europe relancée vers la croissance, l’emploi et le progrès social", réintroduisent cette coupure entre vision un peu "économiste" de l'Europe et vision large d'une Europe porteuse d'avenir en matière de nouvelle architecture du monde et de paix.
Ce défaut d'articulation et de cohérence des propositions se retrouve de manière encore plus nette au sein du chapitre consacré à la sécurité sous-titré de manière restrictive " Une politique de défense à la mesure de notre rôle et de nos ambitions". Une fois encore, la sécurité internationale, malgré les analyses justes, faites sur certains conflits, où on réaffirme que les solutions strictement militaires sont des impasses, se trouve ramenée ici à sa dimension étroitetement militaire. Autant, on ne peut qu'approuver le PS de rappeler la distinction claire entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, autant il y  a une difficulté à mettre en dynamique, politiques de promotion du désarmement, politiques de réduction des inégalités mondiales, politiques de prévention des conflits, soutien au rôle de l'ONU sur le plan militaire et politiques militaires nationales. Le rappel que "La suprématie du droit sur la force et l’application effective des principes des Nations Unies appellent une Europe active et responsable face aux drames humains et aux foyers d’instabilité" n'est pas suivi de propositions très claires, puisque dans le paragraphe qui suit, la Défense européenne reste envisagée de manière très classique, une "Europe puissance", jouant sa propre partition, mais pour quel enjeu ? On peut noter  d’ailleurs la timidité à proposer des coopérations nouvelles en matière de matériel militaire (coopérations franco-britanniques) avec l’insistance un peu artificielle mise sur le couple franco-allemand (héritage mitterrandien ?).
Cette explique aussi la certaine insatisfaction ressentie à la lecture du chapitre consacré à l’action de la France pour le désarmement. Il y est écrit de manière très positive que "Sans remettre en cause la légitimité d’une dissuasion indépendante de notre pays, tant que subsistent d’autres arsenaux nucléaires, la France reprendra son rôle d’impulsion dans les débats sur le désarmement et la non prolifération des armes de destruction massive", mais, outre le fait que ce paragraphe apparaît un peu "plaqué" ici, sans synergie réelle, on ne note aucun engagement vraiment clair pour une interdiction complète des armes nucléaires, au-delà du soutien, bienvenu il est vrai, aux propositions du Président Obama.
Un dernier regret personnel réside dans l'absence complète à aucun endroit, soit au niveau des politiques européennes d'aide au règlement des conflit, soit de la politique française de lien opinion/défense/nation/monde, de référence au soutien nécessaire à "l'éducation des esprits" comme nous y incite l'UNESCO : éducation à la paix, promotion d'une culture de paix. Cela reste considéré comme un gadget ou un supplément d'âme, c'est une erreur. Le fait que le PS entende restituer au Parlement "son rôle légitime d’évaluation et de contrôle politiques de la stratégie internationale de la France, qu’il s’agisse de notre politique étrangère ou de notre action de défense. L’analyse de la situation internationale, des menaces éventuelles qui pèsent sur notre pays, devra se faire de manière concertée et transparente, en accordant toute sa place au débat citoyen et pluraliste, à l’écoute des ONG, des chercheurs et des experts", permettra peut-être à l’opinion de faire pression pour rémédier à ces manques ?
Ces critiques peuvent paraître un peu rapides ou sévères mais, d'une certaine manière, elles participent, comme le tente ce blog, au fil des articles, à animer le débat sur les questions de paix, de relations internationales.
On peut ajouter dans dans ce débat, la contribution d'Alain Richard sur la défense, contribution très consensuelle et classique, qui rappelle fâcheusement la politique inodore suivie dans ce domaine sous la législation Jospin, ainsi qu'une interview de la députée PS Patricia Adam dans le magazine Défense et Sécurité Internationale sur l'avenir du Livre Blanc, qui mérite débat, notamment sur la définition de "l'Europe-puissance".
Daniel Durand - 12 septembre 2010




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