samedi 22 mai 2010

TNP - Les petits pas...

Les spécialistes et militants des ONG présents cette 2e semaine à la Conférence d'examen du TNP à New-York (*) ont pointé tout au long des débats un ton plus engagé et "offensif" de certains pays non-nucléaires qui ne veulent pas se payer de mots et se contenter des déclarations trop générales des "P5", même si encore trop de pays acceptent sans broncher les affirmations de la France et des États-Unis sur leur soi-disant "conformité" à l'article VI du TNP.
Ainsi, tant l'Afrique du Sud que l'Irlande ont mis en évidence le fait que les réductions éventuelles d'armement ne se traduisaient pas forcément en engagement vers le désarmement nucléaire. L'ambassadeur d'Afrique du Sud a ainsi noté que ces réductions étaient prises pour une variété de raisons, tant liées à la stabilité stratégique, qu'aux contraintes financières ou à la sûreté des armes.
La délégation de la Norvège avait également montré lundi que la marche vers l'élimination des armes nucléaires impliquait que les puissances nucléaires se retiennent de développer de nouvelles armes.
De même, la majorité des délégations, intervenant à cette conférence, ont appelé les puissances nucléaires à réduire le rôle des armes nucléaires dans leurs politiques de sécurité, en notant que les doctrines qui continuent à mettre essentiellement en avant la dissuasion nucléaire leur servaient seulement à se présenter comme les garants ultimes de la sécurité, et ne favorisaient ni la non-prolifération, ni le désarmement. C'est cette nécessité que soulignent plusieurs militants d'ONG comme le juriste John Burroughs, ou le commandant  (retraité de l'UK Royal Navy) Robert Green, dans son dernier livre "Security without Nuclear Deterrence".
Comme la Norvège l'a pointé, les progrès du désarmement nucléaire ne sont pas à la hauteur : " après 65 ans d'armes nucléaires et 40 ans avec le TNP, nous ne pouvons pas nous féliciter de la situation dans laquelle nous sommes". La Norvège a ajouté que si les États veulent réussir l'application de l'article VI,"ils auront besoin de négocier un instrument légal additionnel" (c'est le rle que jouerait une Convention d'abolition).
On peut noter qu'un certain nombre d'États se sont prononcés pour une telle Convention dans les différentes séances, Tim Wright en a publie une liste intéressante dans le blog d'Acronym Institute : depuis l'Indonésie au nom des 110 pays non-alignés que le Brésil, le Mexique, l'Autriche, la Nouvelle-Zélande, le Saint-Siège, la Suisse,l'Égypte, etc... Parmi les pays nucléaires, la Chine a déclaré que "la communauté internationale doit développer, à un moment approprié, un plan à long-terme, viable composé d'actions par phases, incluant une convention sur la prohibition complète des armes nucléaires".
Ce jeudi 13, la délégation française, avec Francois Bugaut, responsable de la division stratégique des matériaux nucléaires,  a présenté aux ONG ses mesures de fermetures du site du Pacifique et des ateliers de retraitement de matériaux fissiles de Pierrelatte et de Marcoule. M. Burgaut a expliqué que la France était le seul pays nucléaire à avoir effectué ses fermetures. Après son exposé, plusieurs questions sans concessions lui furent posées : l'arrêt de productions des matières fissiles est-elle due à l'application de l'article VI ou au fait que la France en a une quantité largement suffisant pour ses besoins pour plusieurs décennies ? La France modernise-t-elle ou non son arsenal nucléaire et produit-elle ou non de nouveaux missiles ? À toutes ces questions embarrassantes, le responsable du CEA ne put que répéter que la France avait fait des actes concrets, mais sans réponse politique aux questions posées...
En cette fin de 2e semaine, l'opinion de beaucoup d'observateurs des ONG étaient que dans le Comité principal I (désarmement), les États étaient revenus sur les "13 étapes" de 2000 et débattaient d'un plan d'action dans les sous-commissions. Dans le Comité II, il avait été beaucoup discuté des garanties de l'AIEA, les pays nucléaires (P5) et les pays arabes s'étaient rencontrés pour parler de l'application de la résolution de 19945 sur une zone sans AMD au Moyen-Orient. Dans ces deux comités, il était annoncé que des textes "brouillons" ("draft text") allaient être mis en circulation ce vendredi. La circulation de projets de texte ne signifie pas d'ailleurs que nous sommes prêts d'un accord sur les points essentiels.
Quand au Comité III (énergie civile), la discussion continue et il faudra attendra encore quelques jours pour voir un projet de texte. Ces deux premières semaines ont vu ainsi, comme je l'ai écrit en introduction, plusieurs pays s'engager vigoureusement pour critiquer le "deux poids deux mesures" concernant d'un côté les efforts insuffisant de réductions des armes nucléaires de la part des "P5" et de l'autre les exigences très fortes de garanties de contrôle envers les pays non-nucléaires, mais un nombre important de délégations est resté encore très neutre. Quelles seront leurs positions lors des discussions concrètes sur les projets de résolutions ? cela reste une inconnue...
14 mai 2010
(* : les principales informations sont données dans le bulletin "NPT News In Review" sur http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/nirindex.html#2010 et sur le blog d'Acronym Institute animé par Rebecca Johnson et Carol Naughton : http://www.acronym.org.uk/blog.htm

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