samedi 29 mai 2010

TNP - Un accord pour de nouvelles étapes ?

 Ainsi, ce vendredi 28 mai, à 21 h 40 (heure française), la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération à New-York, a réussi à adopter par consensus un document comportant trois plans d'actions sur les trois piliers du TNP, renouant avec le chemin décidé à la Conférence de 2000, et interrompu à la Conférence de 2005, essentiellement sous la pression calamiteuse de l'administration Bush. De plus, une sorte de quatrième plan d'action, même s'il n'est pas nommé ainsi, établit une série de recommandations pour établir une zone exempte d'armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient, renouant là avec le chemin décidé à la conférence de 1995.
S'agit-il simplement d'une sorte de "remise à zéro" des compteurs après dix ou quinze ans d'immobilisme ? Un peu, mais peut-être aussi un peu plus que cela. Je reviendrais dans des articles ultérieurs sur l'analysé détaillée du texte final adopté, mais l'avis de nombreux experts des ONGs présents est qu'il contient des progrès, légers certes mais réels sur les textes précédents.
Concernant le Moyen-Orient, il est proposé l’organisation d’une conférence en 2012 sur la résolution de 1995, appuyée par les États dotés de l’arme nucléaire et à laquelle devront participer tous les États de la région du Moyen-Orient. Il est également demandé au Secrétaire général de nommer un facilitateur chargé de mener des consultations avec l’ensemble des pays du Moyen-Orient.  Le facilitateur devra de plus faire un rapport sur les résultats de la conférence de 2012 lors de la prochaine conférence d’examen du TNP, en 2015. Les pays arabes et les pays non-alignés ont salué positivement ce texte et isolé l'Iran qui avait annoncé primitivement qu'elle bloquerait l'accord général à cause des "faiblesses" de ces recommandations.
Concernant le désarmement nucléaire, les engagement de 2000 sont réaffirmés, notamment "l'engagement sans équivoque" d'éliminer les armes nucléaires mais de manière plus importante. Si les puissances nucléaires ont réussi à éliminer toute référence directe à un calendrier d'élimination, elles ont accepté, de fait, une échéance de date. Elles se sont engagées à faire un rapport sur la mise en oeuvre de leurs engagement à la Conférence préparatoire (la "Prepcom") de 2014 et accepté que le but de la prochaine Conférence d'examen de 2015 soit "de considérer et décider des actions pour les étapes suivantes de l'accomplissement complet de l'article VI", ce qui suppose implicitement que les étapes précédentes aient été accomplies.. Cela ouvre quelques perspectives pour l'action des ONGs...
Concernant les deux autres comités, des compromis ont été trouvés. Par exemple, pour le Protocole additionnel concernant les garanties de sécurité de l'AIEA, la formule trouvée ne dit pas que le Protocole additionnel est le standard de la vérification, mais note que pour les États qui appliquent les deux Protocoles (normal et additionnel), ces mesures représentent un standard de vérification renforcée.
On peut penser que l'adoption de cette résolution finale, avec ses limites et ses faiblesses, va lancer à la communauté international un signal positif, ainsi que l'a déclaré le Président de la Conférence d’examen de 2010, M. Libran Cabactulan, des Philippines, estimant que les États parties avaient réussi à s’unir, « en dépit des réalités politiques complexes, pour réaffirmer la nécessité de renforcer encore les trois piliers du TNP et de maintenir ainsi l’élan mondial en faveur d’un monde débarrassé du fléau des armes nucléaires ».
Qu'est-ce qui a permis dans le contexte général de favoriser une issue positive ? L'experte Rebecca Johnson, dans le dernier billet de son blog (http://acronyminstitute.wordpress.com/), estime que l'Égypte, qui coordonnait les Pays non-alignés, a joué un rôle important avec son ambassadeur Maged AbdelAziz ; elle estime également qu'il faut apprécier le travail fait par l'administration Obama et l'ambassadrice Susan Burk, pour réaliser quelques compromis difficiles.
On peut certainement penser de manière plus générale que les déclarations du Président Obama en 2009 avaient cassé la "banquise" imposée par l'administration Bush et libéré des énergies. La campagne beaucoup plus large des forces de la société civile : ONGs avec le réseau ICAN, réseau des élus locaux, engagement nouveau (encore modeste mais prometteur) des forces syndicales avec la Confédération syndicale internationale ont participé de ce nouveau climat. Cela a donné les coudées plus franches que par le passé au Secrétaire Généal de l'ONU, Ban Ki Moon, qui s'est engagé de manière très directe.
Il reste à poursuivre l'analyse de ce texte final, examiner de plus près l'analyse de l'engagement de chaque pays important, pour nous bien sûr, l'attitude de la France, des divers pays européens et de l'Union européenne. Mais nul doute, que les partisans d'un monde plus sûr, libéré des armes nucléaires, ne sortent de cette période plus confortés dans leur engagement...
29/052010




jeudi 27 mai 2010

Le moment de vérité ?

Depuis ce mardi, les diplomates participant à la conférence d'examen du Traité de non-prolifération à New-York ont en mains le projet de texte final rédigé par le Président de la conférence, l'ambassadeur Libran Cabactulan des Philipines. Ce texte compile les projets émis par les trois Comités de la Conférence (désarmement, non-prolifération et énergie civile) et leurs six sous-comités. Le Président a résisté à l'assaut mené le lundi par quatre puissances nucléaires : France, Royaume-Uni, Russie et USA pour faire supprimer tout ce qui avait trait à des engagements précis de désarmement nucléaire. la France s'était fait remarquer par une liste ahurissante d'amendements tous plus négatifs les uns que les autres (voir notre article d'hier).
Le texte de 26 pages présenté par le Président est donc formé d'un tronc général formé des projets relatifs aux trois comités puis d'une partie "Conclusions et recommandations sur le suivi des actions" qui contient trois "plans d'actions" sur le désarmement nucléaire, la non-prolifération et les usages pacifiques de l'énergie nucléaire.
Depuis mardi après-midi, les séances ne sont plus ouvertes aux observateurs et les postes sont closes. Tout le monde sait que les désaccords exprimés jusqu'à présent sont toujours présents et vont donc ressortir. Une des questions est de savoir si, comme cela se voyait dans les jours précédents, les puissances nucléaires vont jouer la politique du pire en essayant d'obtenir un "gagnant-perdant à somme zéro" (l'échange d'un accord sur un point d'une partie comme l'énergie civile contre le retrait d'un point sur la partie désarmement) ou accepteront de travailler à des vrais compromis médians sur CHACUN des trois "piliers" du TNP.
Les négociations en séance privée ont donc continué toute la journée d'hier, mercredi. Selon les échos recueillis par les observateurs, notamment ceux du NPT News in Review (http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/2010index.html) et ceux d'Acronym Institute, les P5 et particulièrement France, Royaume-Uni, Russie et USA continuent un assaut coordonné contre toutes les étapes possible du désarmement nucléaire. Dans certains cas, leurs amendements feraient revenir en arrière par rapport aux engagements de la conférence de 2000 !
Ils rejettent non seulement tout calendrier ou Convention d'abolition mais aussi toute référence aux améliorations qualitatives des armements (la fameuse "modernisation") voire au plan en cinq points de Ban Ki Moon !
Apparemment, la France et le Royaume-Uni semblent être les plus opposées à toute référence aux conséquences humanitaires d'un usage de l'arme nucléaire et aux lois humanitaires internationales. Cela explique peut-être que non seulement les ONGS et observateurs n'aient pas été autorisés à assister à ces discussions mais également, des observateurs officiels comme les représentant du Comité International de la Croix-rouge...
Rappelons à ce sujet que la Cour Internationale de Justice de la Haye en 1996 avait estimé que "la menace ou l'usage d'armes nucléaires était généralement contraire aux règles de la loi internationale applicable aux conflits armés, et en particulier aux principes et règles de la loi humanitaire".
Les pressions extérieures continuent sur les diplomates pour les appeler à tout faire pour la réussite de la Conférence. Les sénateurs français Jacques Muller et Michelle Demessine ont envoyé une lettre au Président Cabactulan pour indiquer leur soutien au plan en cinq points du Secrétaire Général de l'ONU.
Surtout, celui-ci-, M. Ban Ki Moon a adressé hier après-midi, une lettre aux diplomates de la conférence, pressant les délégués "d'être pragmatiques et rassemblés autour de solutions qui fasse progresser les intéêts de l'ensemble de la communauté mondiale". Il a encouragé tous les États-parties à "travailler avec flexibilité et dans un esprit de coopération, pour obtenir un accord sur un document final qui contribue à renforcer le régime de non-prolifération nucléaire et des progrès futurs sur le désarmement".
Seul petit élément positif de la journée d'hier : le nouveau gouvernement britannique a annoncé hier mercredi que l'arsenal nucléaire du Royaume-Uni n'excèdera pas 225 têtes nucléaires, dont un maximum de 160 opérationnelles. Début mai, à l'ouverture de cette conférence, les Etats-Unis avaient également révélé la taille de leur arsenal nucléaire, qui était composé de 5.113 têtes nucléaires à fin septembre 2009. La France avait fait une annonce similaire en mars 2008, quand le président Nicolas Sarkozy avait indiqué, au nom de la "transparence", que l'arsenal nucléaire français comprendrait "moins de 300 têtes".
On ne peut que se féliciter de ce timide début de transparence même si beaucoup d'ONGs ainsi que les Pays non-alignés souhaitent que soit donnée également la composition de ces arsenaux.

27 mai 2010






mardi 25 mai 2010

TNP : les "bad guys" nucléaires ont sorti les "guns"

Comme il était à craindre, la dernière semaine de la Conférence d'examen du TNP à New-York s'est ouverte par une offensive concertée de quatre des cinq puissances nucléaires pour essayer de peser sur le contenu du projet de texte global final. La lecture du dernière numéro de NPT News in Review (la lettre du Reaching Critical Will) est édifiante à cet égard.
La réunion plénière de ce lundi 24 mai a vu malheureusement la France jouer un rôle de poisson-pilote pour les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni afin de proposer des amendements visant à vider de leur substance les projets adoptés dans le Comité I et le sous-comité I sur le désarmement nucléaire et le plan d'action.
L'examen des amendements proposés est fastidueux mais révélateur : les quatre délégations ont proposé ainsi que la phrase "la phase finale du processus de désarmement nucléaire (...) devra se poursuivre dans un cadre légal avec des échéances spécifiées" commence par "notent" au lieu de "affirment". Les Britanniques ont même proposé la suppression des références de dates.
La délégation française a souhaité que soit enlevée la référence au plan d'action en cinq points de Ban Ki Moon dans le document final, ou au minimum, qu'il soit enlevé de la partie "actions", ce qu'il est pourtant sensé être... France et USA ont proposé de déplacer la phrase relative à la modernisation des armes nucléaires et au développement de nouvelles armes vers le paragraphe relatif aux essais nucléaires, afin qu'il ne concerne pas les missiles ou les sous-marins (comme le controversé programme français de missile M5).
Russie et USA ont appelé aussi bien sûr à supprimer la phrase relative à la fermeture des sites d'expérimentatios nucléaires. La France a estimé qu'il ne fallait pas que les puissances nucléaires fournissent des informations sur la composition de leur arsenal nucléaire et que donner le nombre global était suffisant.
Mais le plus important, sans doute, est que la délégation française a de nouveau ferraillé pour affaiblir la vision d'un monde sans armes nucléaires tant en proposant de remplacer "construire la paix et la sécurité avec un monde sans armes nucléaires" par "créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires" qu'en relançant le débat sur la responsabilité première des États non-nucléaires pour "créer les conditions d'un monde sans armes nucléaires", ce qui s'appelle en langage commun se "défausser" de ses responsabilités.
Ces quelques exemples montrent que les débats de la Conférence d'examen du TNP sont ainsi placés sous haute pression. Les derniers textes-brouillon, issus des discussions de la semaine dernière, semblaient malgré certaines de leurs faiblesses, des compromis assez équilibrés, pouvant permettre au TNP de reprendre un second souffle et peut-être, de retrouver une partie de la crédibilité perdue progressivement au long de ces quarante dernières années. Les remises en causes de cet équilibre par les "bad guys" nucléaires, France en tête, seraient certainement dommageables pour la paix dans les années à venir.



lundi 24 mai 2010

TNP - Sprint et marchanges finaux

Ce lundi 24 mai, la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire a entamé sa dernière semaine de discussion. Vendredi, de nouveaux textes-brouillon ont été publiés : une 3e version du texte du sous-comité I relatif au plan d'action en 24 points pour le désarmement, un texte du sous-comité II sur les questions régionales, dont la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient comme le prévoient les décisions de 1995, enfin le second texte du Comité III sur l'usage de l'énergie nucléaire civile.
Normalement, la Présidence de la Conférence devrait publier ce mardi matin un brouillon de texte final fusionnant l'ensemble des textes-brouillon des différents Comités et sous-comités. Ce projet global devrait être discuté en séance plénière les mardi, mercredi et jeudi. Jeudi après-midi, la commission de rédaction du texte devrait élaborer la mouture finale pour vendredi matin, le vote ou non du texte intervenant ce vendredi 28 mai après-midi...
Vendredi dernier, tout le monde attendait la publication du brouillon concernant le Moyen-Orient et la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive (et non simplement d'armes nucléaires comme il est parfois faussement écrit). Le fait qu'un brouillon ait pu être publié représente un progrès depuis l'immobilisme régnant depuis 1995 et peut permettre d'avancer dans la voie d'une meilleure confiance mutuelle entre les pays concernés par la situation de cette région. Les propositions faites de tenir une Conférence internationale sur cette question d'ici 2012 et celle de la nomination d'un émissaire spécial du Secrétaire Général de l'ONU pour faciliter les discussions ne règleront pas les problèmes d'un coup de baguette magique mais montrent un regain d'intérêt et de prise en compte par la communauté internationale de la démilitarisation nucléaire, chimique et biologique de la région comme élément de construction d'une paix durable au Moyen-Orient.
Concernant les questions du désarmement nucléaire, le texte-brouillon du sous-comité I montre quelques ajustements de formulation allant plutôt dans un sens de renforcement des formules mais il y a toujours une guerre de tranchées menée par les puissances nucléaires, la France au premier rang, pour empêcher toutes références précises à un calendrier ou des échéances dans l'application de l'article VI même si une petite ouverture a pu être notée de la part des États-Unis disant qu'ils étaient assez favorables à la formulation exprimant que "la phase finale" du désarmement nucléaire se déroulerait "dans un cadre juridique avec des échéances déterminées" (dans la même séance, le Royaume-Uni demandait la suppression de ces derniers termes...).
Je partage par contre l'analyse de l'éditorialiste du NPT News in Review (http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/2010index.html) qui estime qu'un des ajouts les plus intéressants de ce texte-brouillon est le paragraphe supplémentaire dans la partie Principes et Objectifs qui "expriment les préoccupations profondes concernant les conséquences humanitaires catastrophiques de n'importe usage des armes nucléaires, et réaffirme la nécessité pour tous les États de se conformer en permanence aux lois humanitaires internationales". En centrant aussi la question des armes nucléaires sur le plan humanitaire, cela pourrait contribuer utilement à la délégitimation de ce type d'armes et aider à la pression pour accélérer le processus de désarmement nucléaire, comme cela l'a permis pour les mines anti-personnel, les armes à sous-munitions, etc..
Entre mardi et jeudi, le sort du contenu du texte final va se jouer : la fusion des textes des trois Comités est l'occasion de marchandages souvent peu glorieux : chaque pays négociant son accord sur un point dans le texte d'un Comité contre son refus sur un autre point dans le texte d'un autre Comité.
Il est intéressant, par contre, de noter l'Appel qu'a lancé le réseau des Parlementaires pour la Non-prolifération Nucléaire et le Désarmement (PNND) à ses membres pour essayer d'intervenir et faire pression auprès des gouvernements cette semaine pour une issue favorable à la relance du désarmement nucléaire. Elle témoigne d'une mobilisation plus large, plus régulière et plus tenace des ONGs de désarmement cette année, qui est apparue clairement dans ces dernières semaines.
24 mai 2010

samedi 22 mai 2010

TNP - Opération "dilution" ?

Les travaux de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération se sont poursuivis mercredi et jeudi dans un climat toujours tendu, au travers d'une bataille d'amendements, notamment dans le Comité I chargé du désarmement, visant essentiellement de la part des pays nucléaires à affadir et vider de leur contenu concret les propositions contenues dans les textes-brouillon en circulation.
Ce travail de sape, dont lequel s'est illustrée la représentation française, a visé notamment à faire supprimer toute référence à des engagements datés ou quantifiés. Nous sommes devant un paradoxe : alors que que les garanties de sécurité de l'AIEA contre la prolifération doivent être signés et respectés dans un délai de 90 jours et suivant des modalités précises, rien de tel n'existe pour les obligations de désarmement : pas de calendrier, pas de modalités ni de définitions précises, ce qui permet toutes les interprétations qui contournent le traité comme les essais en laboratoire, la "modernisation" des armes nucléaires, etc...
Sous la pression des États nucléaires, de nouveaux textes-brouillons ont été mis en circulation, mais les compromis trouvés portent la marque du "pressing" mené par les puissances nucléaires.
Un premier brouillon a été diffusé mercredi, émanant du sous-comité I, chargé de travailler sur le plan d'action en 26 points qui désormais en compte 24. De nombreuses formulations ont été diluées : ainsi, l'action 6 qui disait que les puissances nucléaires "devaient convenir de consultations pas plus tard qu'en 2011 pour accélérer des progrès concrets du désarmement nucléaire" s'est transformée en "sont appelées à convenir de consultations en temps opportun". Le premier document disait que les puissances nucléaires devaient rendre compte aux États-parties en 2012, cela devient "dans le cycle courant du TNP" (2010-2015). Au lieu que le Secrétaire Général des Nations-Unies décide "d'une Conférence internationale en 2014 pour examiner les moyens d'adopter une feuille de route pour l'élimination complète des armes nucléaires dans un calendrier précis, incluant le moyen d'un instrument juridique légal et universel", le texte invite le Secrétaire général à décider "d'une réunion ouverte de haut-niveau pour prendre en compte et accepter une feuille de route  pour l'élimination complète des armes nucléaires, incluant le moyen d'un instrument juridique légal et universel" (plus de calendrier). À noter également que dans l'action 7, concernant les discussions à la Conférence du Désarmement, il est proposé que soit créé "un organe subsidiaire, dans le contexte d'un programme de travail accepté, complet et équilibré" ce qui revient, compte-tenu des oppositions à la CD, notamment de la part du Pakistan, opposé à tout accord sur les matériaux fissiles, à enterrer les discussions sur le désarmement nucléaire dans cet organe, qui d'ailleurs, n'aurait pour but que de fournir un forum pour échanger "des vues et approches vers un futur travail potentiel de caractère multilatéral". Clair, n'est-il pas ?
Après ce texte-brouillon du sous-comité I, le Président du Comité I a fait circuler jeudi une deuxième version du texte général sur le désarmement qui traduit les mêmes tendances : réduction de la notion d'urgence du processus de désarmement nucléaire (remplacement de l'appel à l'implémentation de l'article VI dans un calendrier précis à l'affirmation que "la phase finale du processus de désarmement nucléaire (...) devra se poursuivre dans un cadre légal avec des échéances spécifiées". C'est-à-dire, oui à des échéances mais quand le moment sera venu... or, il ne l'est pas encore, selon la France ou les États-Unis par exemple..
Les références au Secrétaire Général des Nations-Unies ont été supprimées dans ce texte général bien qu'elles demeurent pour l'instant dans le brouillon du sous-comité
Une troisième version du texte-brouillon du Comité I est attendue pour lundi prochain : contiendra-t-elle des compromis, certes plus faibles que le texte originel, mais permettant quand même, de maintenir une impulsion au processus de désarmement nucléaire, ou au contraire enterrera-t-elle les espoirs en un revitalisation du TNP ? Beaucoup dépendra du niveau de lucidité des puissances nucléaires qui devraient comprendre qu'en se cramponnant becs et ongles à leur domination nucléaire, elles remettront en cause non-seulement le succès de la Conférence d'examen mais aussi la confiance que la communauté internationale a dans le TNP.
Le débat dans les deux autres Comités (prolifération et énergie civile) semble pouvoir aboutir à des compromis plus équilibrés. Une deuxième version des textes-brouillons a été également publiée ce jeudi. Dans le Comité II, des formules ont été trouvées même s'il reste encore des efforts à faire, notamment sur le statut à donner aux Protocoles additionnels de l'AIEA. Pour l'instant, rien n'est écrit sur la question d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient, pour laquelle des discussions continuent à part, notamment entre les cinq puissances nucléaires et l'Égypte et les pays de la Ligue arabe.
Dans le Comité III, des désaccords demeurent mais les échanges montrent qu'un consensus pourra peut-être trouvé.
L'action restera donc centré sans doute la semaine prochaine, qui sera la semaine finale, sur les discussions autour du désarmement et du plan d'action en 24 ou 26 points. Beaucoup de pays et d'ONG espèrent que certains des points du texte original pourront être réintroduits partiellement. Les "13 étapes" de 2000, malgré leur relative précision, ont pû être manipulées par des pays nucléaires comme la France et la Grande-Bretagne, qui ont proclamé qu'ils les avaient intégralement respectées. Il serait dommageable que "24 actions" encore moins précises, puissent, elles aussi, donner lieu plus tard à toutes les interprétations et contournements imaginables par les puissances nucléaires.
21 mai 2010

TNP - Les nuages s'amoncellent...

Les échos des discussions dans les différents Comités (Désarmement, Non-prolifération, énergie civile) de la Conférence d'examen du TNP à New-York montrent que les divergences entre délégations sont très fortes sur des points importants et que le contexte de la Conférence ne semble pas devenir très stimulant.
Au comité I (désarmement), Tim Wright (coordinateur de ICAN international) relève que ce lundi 17 mai, la France a estimé que le langage du projet de résolution en 26 points sur "l'élimination" était trop "fort", et qu'elle préférait une déclaration plus vague des États-parties afin de créer "les conditions pour un monde sans armes nucléaires" plutôt qu'un appel à réaliser l'abolition des armes nucléaires. Le représentant de l'Union européenne a repris le même registre de dilution du contenu de l'article VI en suggérant que le texte final réaffirme "l'engagement de construire un monde plus sûr pour tous afin de créer les conditions d'un monde sans armes nucléaires conformément avec les buts du TNP". (À noter, que dans les pays européens, l'Autriche, elle, a fait une déclaration forte de soutien au projet de Convention d'abolition des armes nucléaires).
Dans le même tir groupé, le représentant des États-Unis a déclaré que les progrès sur la non-prolifération et la conformité étaient essentiels dans la possibilité de construire "de solides progrès vers une vision d'un monde sans armes nucléaires".
"Progrès vers une vision" ou "conditions d'un monde sans armes nucléaires", il est clair qu'il y a un pressing très fort des puissances nucléaires pour affaiblir les références fortes à la mise en oeuvre de l'article VI du TNP, contenues dans les 26 points du projet de texte, le "draft paper" qui circule actuellement.
Ces positions ne peuvent que susciter la méfiance et l'irritation de nombre de puissances non-nucléaires. Dans ce climat, l'annonce par les cinq membres permanent du Conseil de sécurité (tous puissances nucléaires) plus l'Allemagne du dépôt d'un projet de résolution au Conseil proposant de nouvelles sanctions contre l'Iran, et ce 24 heures seulement après le projet d'accord sur l'enrichissement de l'uranium entre Brésil,Turquie et Iran a créé un mauvais climat dans la Conférence.
On aurait pu penser que les États-Unis auraient pu plutôt essayé de travailler avec le Brésil et la Turquie (membre de l'OTAN) pour renforcer et faire aboutir le projet, celui-ci ne reprend-il pas l'essentiel du plan déposé en 2009 par le "Groupe de Vienne" (AIEA + États-Unis + France + Russie) ? Cela aurait constitué un vrai signe positif pour faire évoluer positivement la Conférence ?
Au lieu de cela, l'attitude adoptée par l'administration Obama peut laisser planer des doutes aujourd'hui sur un éventuel changement de positionnement ou de hiérarchie dans l'importance accordée à la réussite du TNP.
La spécialiste Rebecca Jonhson sur son blog (http://acronyminstitute.wordpress.com/2010/05/18/day-14/) remarque que le dépôt de cette résolution au Conseil de Sécurité intervient juste avant les premières auditions de la Commission des Affaires étrangères du Sénat pour la ratification du nouveau traité START. Les considérations "domestiques" de l'administration Obama prendraient-elles le dessus sur la vision primitivement annoncée de la priorité donnée au désarmement nucléaire ? Tim Wright souligne qu'au même moment, également, un communiqué de presse de la Maison Blanche, annonce qu'un plan de 80 Mds de $ est prévu pour la modernisation de l'arsenal nucléaire US pour qu'il demeure "sûr, sécurisé et fiable".
Encore une fois, il est clair que si tous les États, et notamment les États nucléaires, ne mettent pas plus en accord leurs paroles et leurs actes, il sera difficile de recréer un climat de confiance dans le TNP. Une non-réussite de la Conférence ou une déclaration finale faible serait ressentie comme un échec, y compris pour l'image des États-Unis qui, jusqu'à présent, étaient apparus, ces derniers mois, aux yeux de l'opinion et des médias, comme des "chevaliers blancs" de la réussite de la Conférence du TNP et d'une avancée vers un monde sans armes nucléaires.
Le rôle de la France, dans ce contexte, apparaît de moins en moins positif : la délégation minimise la portée des engagements à prendre par les pays nucléaires pour appliquer l'article VI, M. Danon a été péremptoire dans son intervention pour affirmer que l'Iran trichait et préparait l'arme nucléaire... Là encore, n'y-t-il pas quelque chose comme la "paille des mots et le grain des choses" ?
19 mai 2010

TNP - Les "brouillons" sont intéressants, mais...

Ainsi que je l'écrivais dans mon précédent billet, vendredi dernier, les trois projets de textes ("draft texts") des trois comités ont été distribués aux délégations et aux ONGs présentes vendredi après-midi, (ils sont consultables sur le site du Reaching Critical Will en anglais à http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/2010index.html -->> Draft Report of Main Committee I, II et III).
Avec la mise en circulation de ces textes, le travail réel des diplomates va se déployer pour discuter, remodifier, trouver les compromis acceptables pour tous sur chacun de ces textes. Pour l'essentiel, ces trois textes visent à renforcer la mise en oeuvre de tous les aspects du TNP. Dans leur état initial, ils contiennent des recommandations fortes, que deviendront-elles après la "moulinette" des discussions diverses, c'est bien là l'enjeu. Mais il est clair que de la qualité et précision de ces textes dépendra le "contexte" du TNP et donc l'engagement de l'ensemble des États. Les États nucléaires qui, comme la France, disent volontiers que les avancées du désarmement nucléaire (et donc leurs propres efforts) dépendent d'abord du "contexte", ont là une responsabilité pour participer à la création d'un "contexte" favorable (et ne pas seulement attendre des gestes des "autres", c'est-à-dire des pays non-nucléaires).
Si l'on examine le Projet de texte du Comité I (désarmement), il est divisé en trois sections : examen, réaffirmation et actions. Les deux premières parties sont semblables au texte adopté en 2000, c'est la partie "actions" qui est centrale et intéressante car elle propose 26 actions pour implémenter l'article VI, les principes et objectifs de 1995, la mise en oeuvre des "13 étapes" de 2000.
Une des nouveautés du texte en discussion est qu'il inclut des dates, un calendrier pour certaines questions. Il propose que pour améliorer la mise en oeuvre de l'article VI, les puissances nucléaires conviennent de consultations "pas plus tard qu'en 2011" sur des progrès concrets du désarmement nucléaire, sur la base desquelles consultations, le Secrétaire général des Nations unies déciderait "une conférence internationale en 2014 pour examiner les voies et les moyens de décider d'une feuille de route pour l'élimination complète des armes nucléaires suivant un calendrier précis, y compris au moyen d'un instrument juridique universel” (Action 7).
Concernant les garanties de sécurité à donner aux États non-nucléaires et le vote d'un Traité d'interdiction des matières fissiles, la Conférence du Désarmement de Genève est invitée à commencer des travaux sans attendre et si aucun progrès n'est enregistrée à la fin de sa Session de 2011, il est proposé (ce qui est nouveau) que l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa 66e session examine les moyens pour faire démarrer les discussions et négociations sur ces points de la manière appropriée donc y compris en dehors de la Conférence du Désarmement et y compris éventuellement hors de la règle du consensus.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les deux autres Projets de texte des Comités II et III. Dans le document II, si le texte n'appelle pas à signer et ratifier les protocoles additionnels de vérification de l'AIEA (demande combattue par de nombreux pays non-alignés), il fait référence néanmoins à ces protocoles comme à un standard de vérification pour l'article III, ce qui sera très contesté. Quand au texte III, en dehors des références à l'énergie civile, il fait mention pour la première fois dans un texte officiel du droit au retrait du Traité (qui était demandé par de nombreux pays) tout en soulignant l'importance majeure de garder tous les pays dans le TNP.
Les cartes sont sur la table, encore une fois, le fait que les brouillons de texte en discussion contiennent un certain nombre de points très intéressants ne signifie pas qu'ils seront retenus dans les négociations, voire les "marchandages" entre délégations...
17/05/2010

TNP - Les petits pas...

Les spécialistes et militants des ONG présents cette 2e semaine à la Conférence d'examen du TNP à New-York (*) ont pointé tout au long des débats un ton plus engagé et "offensif" de certains pays non-nucléaires qui ne veulent pas se payer de mots et se contenter des déclarations trop générales des "P5", même si encore trop de pays acceptent sans broncher les affirmations de la France et des États-Unis sur leur soi-disant "conformité" à l'article VI du TNP.
Ainsi, tant l'Afrique du Sud que l'Irlande ont mis en évidence le fait que les réductions éventuelles d'armement ne se traduisaient pas forcément en engagement vers le désarmement nucléaire. L'ambassadeur d'Afrique du Sud a ainsi noté que ces réductions étaient prises pour une variété de raisons, tant liées à la stabilité stratégique, qu'aux contraintes financières ou à la sûreté des armes.
La délégation de la Norvège avait également montré lundi que la marche vers l'élimination des armes nucléaires impliquait que les puissances nucléaires se retiennent de développer de nouvelles armes.
De même, la majorité des délégations, intervenant à cette conférence, ont appelé les puissances nucléaires à réduire le rôle des armes nucléaires dans leurs politiques de sécurité, en notant que les doctrines qui continuent à mettre essentiellement en avant la dissuasion nucléaire leur servaient seulement à se présenter comme les garants ultimes de la sécurité, et ne favorisaient ni la non-prolifération, ni le désarmement. C'est cette nécessité que soulignent plusieurs militants d'ONG comme le juriste John Burroughs, ou le commandant  (retraité de l'UK Royal Navy) Robert Green, dans son dernier livre "Security without Nuclear Deterrence".
Comme la Norvège l'a pointé, les progrès du désarmement nucléaire ne sont pas à la hauteur : " après 65 ans d'armes nucléaires et 40 ans avec le TNP, nous ne pouvons pas nous féliciter de la situation dans laquelle nous sommes". La Norvège a ajouté que si les États veulent réussir l'application de l'article VI,"ils auront besoin de négocier un instrument légal additionnel" (c'est le rle que jouerait une Convention d'abolition).
On peut noter qu'un certain nombre d'États se sont prononcés pour une telle Convention dans les différentes séances, Tim Wright en a publie une liste intéressante dans le blog d'Acronym Institute : depuis l'Indonésie au nom des 110 pays non-alignés que le Brésil, le Mexique, l'Autriche, la Nouvelle-Zélande, le Saint-Siège, la Suisse,l'Égypte, etc... Parmi les pays nucléaires, la Chine a déclaré que "la communauté internationale doit développer, à un moment approprié, un plan à long-terme, viable composé d'actions par phases, incluant une convention sur la prohibition complète des armes nucléaires".
Ce jeudi 13, la délégation française, avec Francois Bugaut, responsable de la division stratégique des matériaux nucléaires,  a présenté aux ONG ses mesures de fermetures du site du Pacifique et des ateliers de retraitement de matériaux fissiles de Pierrelatte et de Marcoule. M. Burgaut a expliqué que la France était le seul pays nucléaire à avoir effectué ses fermetures. Après son exposé, plusieurs questions sans concessions lui furent posées : l'arrêt de productions des matières fissiles est-elle due à l'application de l'article VI ou au fait que la France en a une quantité largement suffisant pour ses besoins pour plusieurs décennies ? La France modernise-t-elle ou non son arsenal nucléaire et produit-elle ou non de nouveaux missiles ? À toutes ces questions embarrassantes, le responsable du CEA ne put que répéter que la France avait fait des actes concrets, mais sans réponse politique aux questions posées...
En cette fin de 2e semaine, l'opinion de beaucoup d'observateurs des ONG étaient que dans le Comité principal I (désarmement), les États étaient revenus sur les "13 étapes" de 2000 et débattaient d'un plan d'action dans les sous-commissions. Dans le Comité II, il avait été beaucoup discuté des garanties de l'AIEA, les pays nucléaires (P5) et les pays arabes s'étaient rencontrés pour parler de l'application de la résolution de 19945 sur une zone sans AMD au Moyen-Orient. Dans ces deux comités, il était annoncé que des textes "brouillons" ("draft text") allaient être mis en circulation ce vendredi. La circulation de projets de texte ne signifie pas d'ailleurs que nous sommes prêts d'un accord sur les points essentiels.
Quand au Comité III (énergie civile), la discussion continue et il faudra attendra encore quelques jours pour voir un projet de texte. Ces deux premières semaines ont vu ainsi, comme je l'ai écrit en introduction, plusieurs pays s'engager vigoureusement pour critiquer le "deux poids deux mesures" concernant d'un côté les efforts insuffisant de réductions des armes nucléaires de la part des "P5" et de l'autre les exigences très fortes de garanties de contrôle envers les pays non-nucléaires, mais un nombre important de délégations est resté encore très neutre. Quelles seront leurs positions lors des discussions concrètes sur les projets de résolutions ? cela reste une inconnue...
14 mai 2010
(* : les principales informations sont données dans le bulletin "NPT News In Review" sur http://www.reachingcriticalwill.org/legal/npt/nirindex.html#2010 et sur le blog d'Acronym Institute animé par Rebecca Johnson et Carol Naughton : http://www.acronym.org.uk/blog.htm

Grèce et TNP

Les premières réunions de la Conférence du TNP ont vu la France, l'Union européenne multiplier les déclarations vertueuses selon lesquelles l'application de l'article VI, la marche vers le désarmement étaient de "la responsabilité de tous" (c'est-à-dire plutôt des états on-nucléaires). La "DÉCISION COMMUNE" DU CONSEIL DE L'UE du 29 mars 2010 propose "d'insister sur la nécessité de promouvoir les processus généraux de maîtrise des armements et de désarmement et plaider pour que des progrès soient encore accomplis sur tous les aspects du désarmement afin de renforcer la sécurité au niveau mondial;(...)".
Dans le même temps, le débat en Europe s'est ouvert, notamment après les déclarations du député D. Cohn-Bendit, sur l'appui que la France et l'Allemagne apportent à la Grèce pour qqu'elle maintienne un niveau exorbitant de dépenses militaires, afin de pouvoir continuer à lui vendre d'énormes quantités de nouveaux armements. "Faites ce que je dis, pas ce que je fais", cela amène un sourire sceptique quand on entend l'ambassadeur de France, M. Danon,  appeler à avoir une attitude pragmatique, et non idéologique...
Qu'en est-il exactement de la situation grecque, quel lien avec le TNP et le désarmement général ?
Selon l'Otan, la Grèce a affecté 6,896 milliards d'euros en 2008 à ses dépenses d'armement, 2,8% de son PNB (4,3 % selon la CIA), une véritable fortune en comparaison de la majorité des pays d’Europe de l’est qui tournent autour de 1 à 1,5% ou même des géants militaires européens comme la Grande-Bretagne et la France avec environ 2 %. L’armée grecque, c’est 100 000 hommes et femmes pour l’armée de terre, 18 800 pour la marine et 26 800 pour l’armée de l’air, soit 2,9% de la population active contre 1,1% dans les autres pays de l’Otan. Le nombre de militaires est à rapporter à celui des fonctionnaires : 150 000 sur 800 000.
La Grèce va recevoir 110 milliards d'euros d'aides, dont 16,8 milliards de la France. Le plan d'austérité imposé par l'État aux citoyens permettrait d'économiser quelques 10 milliards d'euros face à des dépenses militaires frisant les 6 Mds.
La justification de cette exacerbation des dépenses militaires est attribuée au risque permanent d'affrontement avec la Turquie, et à la partition de Chypre entre zones d'influence grecque et turque.
Mais le paradoxe est que la Grèce et la Turquie appartiennent à la même alliance militaire (l'OTAN), et que Chypre appartient également à l'Union européenne. Alors, au lieu de forcer la Grèce à acheter des armes, si on aidait la Grèce et ses voisins à ne plus avoir besoin de dépenser autant dans la défense quand ils doivent imposer des coupes sociales dramatiques pour leur population ?
Mais le "ver dans le fruit" est à ce niveau : faute d’industrie nationale, Athènes doit importer massivement (c’est même le 5e importateur mondial en matière de défense) à la plus grande joie, notamment, de la France et de… l’Allemagne. Cette dernière, si prompte à lui donner des leçons de bonne gestion, n’a pas hésité à lui vendre, en 2009, six U-Boot 124, des sous-marins dont Athènes n’est d’ailleurs pas satisfait, pour la modique somme de 2 milliards d’euros. La France est aussi sur les rangs : après avoir déjà placé quelques AMX-30, quelques VBL, des Mirages 2000, elle veut s'imposer.une vente de six frégates multi-rôles FREMM évaluée par la Tribune à 2,5 milliards, ainsi que 15 hélicoptères « Puma » pour 400 millions d'euros et un quarantaine d’avions de combat « Rafale »  à 100 millions d'euros pièce. (article du Canard enchaîné).
Quand à l’Allemagne, elle a définitivement intégré le club des plus grands marchands d’armes de la planète, comme l'a titré la "Frankfurter Rundschau". Depuis le début de la décennie, les exportations allemandes d’armement ont presque doublé et la part de l’Allemagne dans le commerce mondial de matériel de guerre est passée de 6 à 11 %.” Entre 2005 et 2009, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’armement a augmenté de 22 % par rapport aux cinq années précédentes, plaçant le pays juste derrière les Etats-Unis et la Russie, précise le quotidien de Francfort.
L'information selon laquelle le Président Sarkozy aurait personnellement insisté auprès du Premier ministre grec pour ne pas tailler dans les dépenses militaires et honorer les contrats avec la Franche circule avec insistance. Les plus cyniques ajoutent qu'une baisse des dépenses militaires grecques pourrait avoir comme conséquence une baisse des tensions politiques ou, en tout cas, une difficulté pour la Turquie à continuer à augmenter ses achats d'armements, effectués auprès de qui ?... la France et l'allemagne, bien entendu.
Nous sommes bien en face d'un double langage persistant : appel au désarmement (des autres) dans les enceintes de l'ONU, le report aux "calendes... grecques" de négociations d'une Convention d'élimination des armes nucléaires, et en dehors de l'ONU, la poursuite de marchés juteux d'armements au détriment de la stabilité européenne et la vente tous azimuts de centrales nucléaires... Édifiant, n'est-ce-pas ?
11 mai 2010

TNP - La persistance du double standard

La deuxième semaine de la Conférence du TNP, ce lundi 10 mai, a été consacrée aux discussions dans les commissions II (non-prolifération) et III (énergie nucléaire civile).
Dans la commission II, l'essentiel des débats a tourné sur la généralisation ou non des garanties suppléémentaires contenues dans le Procole additionnel : les délégations occidentales et particulièrement la France, ont insisté pour que le Protocole additionnel devienne la norme des garanties remplies par les États non-nucléaires. Cette insistance a irrité de nombreux pays non-nucléaires, comme le Brésil ou le Venezuela, qui ont fait remarquer qu'il était demandé toujours plus de normes et d'engagements aux États non-nucléaires alors que les États nucléaires rechignaient à prendre aucun engagement concret (agenda, garanties de sécurité) pour le désarmement et l'application de l'article VI. Bref, ce sentiment d'assysmétrie, voire de double standard, n'a pas fait progresser la confiance dans une interprétation juste du TNP.
Cette situation provoque un raidissement des positions et une tension plus grande, perceptible aussi dans le comité III. Aussi, Mme Florence Mangin, Ambassadrice, Représentante permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Vienne, a pu déclarer que "Le nucléaire civil peut être, aux yeux de la France, le ciment d’une nouvelle solidarité internationale," et que "Le TNP, porteur d’un projet commun de paix, de développement mutuel et de prospérité partagée, est la clé de voûte de cette solidarité nucléaire"; son discours était miné par l'intervention française au même moment au Comité II disant que le coopération nucléaire civile serait suspendue si un pays ne souscrivait pas à toutes les garanties de non-prolifération exigées par les occidentaux.
Enfin, il faut noter que les discours, notamment français, qui font le lien systématique entre nucléaire militaire et sécurité nationale, loin d'encourager à diminuer le rôle des armes nucléaires et encourager le désarmement, ne font qu'encourager certains États dans l'idée qu'avoir l'arme nucléaire serait bon aussi pour leur sécurité.
La seule ou presque bouffée d'oxygène de la journée est venue de la présentation, hors séance officielle, par l'ambassadeur de  Suisse d'une étude prônant l'interdiction des armes nucléaires. Cette étude a été réalisée par les experts de l'Institut d'études internationales de Monterrey, qui ont été mandatés par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Leur étude montre de quelle manière la légitimité des armes nucléaires pourrait être abolie par l'intermédiaire d'un traité international mais aussi comment les armes nucléaires mettent à mal l'argument d'un effet dissuassif. Une doctrine d'Etat, dans laquelles les armes nucléaires jouent un rôle, doit être considérée comme tout aussi inacceptable que l'utilisation d'armes biologiques et chimiques, dont l'interdiction est déjà réglementée au niveau international, selon les auteurs.
L'étude ne trouve en outre aucune justification à la théorie qui prétend que la Seconde guerre mondiale a pu prendre fin grâce au lancement de bombes atomiques sur le Japon. Selon elle, prétendre que les armes nucléaires ont permis d'assurer la paix durant les années de Guerre froide relève également du mythe.
L'étude montre par ailleurs quelle forme pourrait prendre une convention de renoncement aux armes nucléaires.  Elle souligne qu'une telle convention doit prévoir des mesures punitives, auxquelles aucun Etat ne pourrait échapper.
La Suisse a joué par le passé un rôle diplomatique actif sur les négociations concernant le contrôle des armes légères, celui des transferts d'armement. Qu'elle décide d'avoir une politique plus active en faveur du désarmement nucléaire ne peut avoir qu'un effet bnéfique dans la lutte pour un monde sans armes nucléaires.
10/05/2010

TNP - Si nous parlions concrètement calendrier ?

Vendredi matin, la Conférence du TNP est entrée dans une phase plus active avec l'ouverture du débat dans la commission I (celle du désarmement). De nombreux pays ont fait des déclarations fortes pour dire qu'il fallait que les mesures de désarmement, notamment les "13 étapes pratiues" adoptées en 2000, fassent l'objet d'un calendrier.
L'Organisation des Pays non-alignés a déposé un document de travail pour faire connaître ses propositions pour l'application de l'article VI et des 13 étapes en proposant trois phases. Une première phase 2010-205 basée sur la réduction des menaces nucléaires et de premières mesures de désarmement ; une phase 2015-2020 centrée sur la réduction des arsenaux et la promotion de la confiance ; une troisième phase 202062025 sur la consolidation d'un monde dénucléarisé.
Les Philippes ont également appelé à un calendrier de mesures, pouvant être incluses dans une Convention d'Abolition des armes nucléaires.
En même temps, les puissances nucléaires dont la France ont estimé que l'implémentation de l'article VI était de la responsabilité de tous (et pas seulement des puissances nucléaires...).
La France et les États-Unis ont prétendu que la prévention de la prolifération était la condition nécessaire du désarmement, suivant en cela la déclaration commune des P5 (les cinq puissances nucléaires) qui renvoie le désarmement à un lointain futur, estimant que les autres États devaient d'abord "créer les conditions" qu'ils estimaient nécessaires avant de remplir leur obligations vis à vis de l'article VI.
Ils estiment que 'tous les autres États doivent contribuer à atteindre pleinement ces buts de désarmement en créant un nécessaire environnement de sécurité, en résolvant les tensions régionales, en promouvant la sécurité régionale et en accomplissant des progrès dans toutes les sphères du désarmement". L'ambassadeur de France, M. Danon, a estimé que ces conditions étaient importantes "afin que le désarmement nucléaire ne s’accompagne pas d’une course aux armements dans d’autres domaines".
L'après-midi, dans une des présentations des ONG, Rebecca Johnson du Acronym Institute for Disarmament Diplomacy répondit, “si nous repoussons l'élimination des armes nucléaires jusqu'à ce que le monde ait atteint un seuil idéal de paix et de stabilité, nous n'obtiendrons jamais ni désarmement ni sécurité".
Lors de ce même après-midi, les représentants de la société civile se sont adressés à la Conférence. Parmi les treize interventions, il faut noter la forte impression laissée par Jody Williams, l'ex-coordinatrice de la campagne anti-mines, celles des maires d'Hiroshima ou Nagasaki ou celle de M. Taniguchi Sumiter, un survivant du bombardement de Nagasaki, dont l'émouvant récit a rappelé cette vérité fondamentale, toute bombe nucléaire est contraire aux lois humanitaires et devrait être interdite de ce point de vue.
9 mai 2010

TNP - Une Convention d'interdiction : on sait déjà faire !

Les États vont-ils accepter d'entamer des discussions pour examiner les conditions d'une négociation sur une convention d'abolition des armes nucléaires ? C'est un des enjeux de la période. La diplomatie française est une des plus hostiles à cette démarche, y compris au sein de l'UE et, en privé, de nombreux diplomates européens regrettent cette obstination française. Cette opposition repose sur le raisonnement suivant : la Convention est une construction théorique, le désarmement nucléaire n'avancera pas par des "visions" ou proclamations mais par des mesures concrètes et ce, en fonction, du contexte stratégique et aujourd'hui, i y a encore énormément de conditions à remplir pour envisager un jour l'abolition des armes nucléaires.
Ce raisonnement peut faire illusion mais l'exemple de la négociation sur l'interdiction des armes chimiques, il y a vingt-cinq ans, montre sa fausse. En 1990, la menace chimique, les risques de prolifération sont considérables. Le contexte stratégique s'est amélioré après la chute du mur de Berlin mais reste instable. La France a un stock d''armes chimiques mais bien moins important que celui des États-Unis et de l'Union soviétique. Les principaux pays commencent alors à exprimer leur accord pour aller à l'abolition des armes chimiques. Le Président F. Mitterrand, après avoir beaucoup hésité, organise à Paris, en janvier 1991, une Conférence internationale qui va "booster" les discussions qui reprennent ensuite à la Conférence du Désarmement à Genève. L'ambassadeur de France de l'époque, M. Pierre Morrel, va jouer un rôle décisif dans la réussite des négociations qui aboutissent en 1993, à la signature de la Convention pour l'interdiction de la production et de l'usage des armes chimiques. Celle-ci est ratifiée en 1996, un organisme de suivi de la destruction et la vérification est créé dans chaque pays, la France détruit ses stocks, et aujourd'hui, il ne reste des armes chimiques seulement qu'aux États-Unis et en Russie : les derniers stocks devraient finir d'être détruits d'ici 2012.
Les armes chimiques présentaient des problèmes aussi complexes à traiter sinon plus que les armes nucléaires, en terme de vérification, de cooûts de destruction. Avant 1990, elles étaient présentées aussi comme essentielles pour la sécurité de la France.
Pourquoi le processus qui a été possible en 1991-93 ne serait-il plus valable aujourd'hui ? Il n'existe aucune raison de sécurité nationale, de contexte stratégique, de risque de prolifération qui soit différente aujourd'hui de celui d'il y a vingt-cinq ans !
À moins que... derrière la défense des armes nucléaires françaises ne se cache une simple volonté de puissance ou d'apparence de puissance et de place au Conseil de sécurité de l'ONU ? Cela expliquerait pourquoi la France fait tout pour dénigrer les propositions d'Obama, celles des ONG ; pourquoi elle avait aussi en 2005 bloqué toute proposition de réforme de l'ONU et du Conseil de sécurité. Cette petite vision ne prend donc pas en compte ni les intérêts de la paix et du désarmement, ni à terme les intérêts bien compris de notre pays...
06/05/2010

TNP - Bonne ambiance cette semaine... quels résultats dans un mois ?

La première semaine de la Conférence d'examen du TNP s'achève dans une ambiance plutôt sereine, tous les discours des diplomates vont dans le sens du renforcement du Traité,les oppositions ne se sont pas matérialisées concrètement.
Les trois autres puissances nucléaires "officielles" (Chine, Royaume-Uni, Russie) ont soutenu le TNP. Certaines comme la Chine estiment que "la nouvelle situation de sécurité appelle un nouveau concept de sécurité et une vision prospective plus large". Une approche assez similaire a été faite par la délégation russe qui était comme les États-Unis représentée au plus niveau, par le ministre des Affaires étrangères RYABKOV.
Le ministre des Affaires étrangères allemand, Werner Hoyer,a rappelé que son pays souhaitait le retrait des bombes nucléaires tactiques de son territoire (celles-ci sont embarquées sur les bombardier US de l'OTAN) et la diminution de la dimension nucléaire de la politique de l'OTAN. Enfin, le représentant du Saint-Siège (Vatican) a exprimé le souhait du pape de travailler à l'élimination des armes nucléaires. Celui-ci avait redit le 5 mai dernier que "La paix se fonde en effet sur la confiance et le respect des décisions prises, et non sur le seul équilibre des forces. J'encourage donc toutes les initiatives favorisant un désarmement progressif comme la création de zones dénucléarisées, en vue d'une élimination planétaire totale." Il faut noter d'ailleurs que, suivant cette inspiration, en France, le responsable de Pax-Christi, Mgr Marc Stenger, a demandé trois gestes concrets au Président Sarkozy, dans une lettre ouverte : "
 - Soutenir le projet de Convention de désarmement nucléaire,
 - Déclarer un moratoire sur les recherches de nouvelles armes atomiques, en particulier sur les têtes nucléaires océaniques prévues pour équiper les missiles M 51 en 2015,
 - Les armes nucléaires devant à moyen terme être éradiquées, inviter officiellement à un débat public pour préparer la défense de la France à cette échéance.
"
Il faut noter également dans les nouvelles marquantes de la semaine que le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano a demandé aux pays membres de l'organisation de réfléchir à la manière de convaincre Israël de signer le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Dans ce courrier daté du 7 avril et rendu public mercredi, Yukiya Amano demande aux 151 membres de l'AIEA de réfléchir à la manière d'appliquer une résolution exigeant qu'Israël "accède" au TNP et ouvre ses installations nucléaires aux inspections de l'organisation.
Cette pression supplémentaire semble indiquer que, peut-être, le dossier d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moen-Orient peut avancer lors de cette Conférence.
Une ambiance plutôt favorable, des déclarations intéressantes, la Conférence du TNP semble s'ouvre s'ouvrir sous des auspices plutôt favorables, comme l'a reconnu l'ambassadeur de France, M. Danon, jeudi devant les 150 délégués français, massés dans la petite salle des ONG de l'ONU.
Que sortira-t-il du débat dans les trois commissions officielles (les "clusters" : désarmement, prolifération, énergie civile) , pendant les semaines à venir ? Nul ne le sait. Un texte sera probablement adopté. Il reprendra sans doute tout ou partie des "13 étapes" adoptées en 2000 mais il semble, (c'était en tout cas l'avis de M. Danon), que lui serait ajoutée une partie importante sur la prolifération et une autre également sur le nucléaire civil et sa "bonne gouvernance".
Cette position défendue par la France et l'Union européenne est justifiée par la nécessité d'avoir un texte "équilibré", fort bien. On peut simplement espérer que cela n'aboutira pas à noyer la partie la plus sensible, le désarmement et la mise en oeuvre de l'article VI, dans un gros "paquet-cadeau" dans lequel ces mesures n'apparaîtraient plus comme des priorités réelles...
7 mai 2010

TNP -Signaux divers...

Les deux premiers jours de la Conférence du TNP ont été consacrés aux discours généraux des ambassadeurs, des États étaient représentés par leurs principaux dirigeants comme l'Iran avec Amadinedjad, les États-Unis par Hillary Clinton. M. Kouchner n'a pas fait le déplacement : calendrier trop chargé, manque d'enthousiasme pour le désarmement nucléaire ?
À l'ouverture, le secrétaire général des Nations-Unies a redit, comme il l'avait fait devant les ONG à Riverside, que "le monde attend plus de nous : plus de progrès sur le désarmement, plus de réduction des armements et plus de transparence" et il a ajouté "Je presse les puissances nucléaires de réaffirmer leur engagement irrévocable pour pour éliminer les armes nucléaires (...) Je vous encourage également à actualiser et étendre les "Treize étapes pratiques" adopétées à la Conférence de révision du TNP, dix ans auparavant".
Si la confrontation Iran-USA s'est déroulée verbalement au travers des interventions de M. Amadinedjad, et de Mme Clinton, on retiendra surtout de cette dernière un discours suivant de près les différentes déclarations du Président Obama depuis un an. Beaucoup de réaffirmations fortes : "Voulons-nous un 21e siècle avec plus d'armes nucléaires ou un monde sans armes nucléaires ? C'est la question à laquelle nous voulons répondre et le défi que nous devons affronter."
Ce ton ainsi que la réaffirmation de l'égale importance des trois piliers du TNP : désarmement, non-prolifération, énergie civile était bien sûr à cent lieues des discours US de 2005, où l'on entendit même un jour l'ambassadeur américain déclarer que le "bargain" (le compromis) central du TNP était entre non-prolifération contre énergie civile donc exit le désarmemet !
Hillary Clinton a quand même annoncé quelques décisions US pratiques et intéressantes. En premier lieu, le Pentagone a annoncé dans la même journée et elle s'en est félicitée, le nombre exact des têtes nucléaires US : c'est la première fois de l'histoire. L'arsenal nucléaire américain était composé de 5.113 têtes nucléaires à fin septembre 2009. Ce chiffre de 5.113 têtes nucléaires, qui inclut les armes nucléaires américaines déployées, non déployées, stratégiques et non-stratégiques, "représente une réduction de 84% par rapport à l'arsenal maximal (31.255) à la fin de l'année fiscale 1967", en pleine Guerre Froide, précise le Pentagone. Quant aux armes tactiques, incluses dans le décompte, elles ont diminué de 90% de 1991 à 2009, mais leur nombre exact reste secret. L'arsenal nucléaire américain ne comprend pas en revanche les armes nucléaires retirées de la circulation et en voie d'être démantelées.
Cette annonce a constitué un signal de transparence intéressant : la France avait dit simplement qu'elle possédait "moins de 300 têtes". Il faut espérer que les autres puissances nucléaires vont également donner des informations sur leur stock.
Hillary Clinton a réaffirmé le soutien US à une zone dénucléarisée et exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient, conformment aux engagements pris lors de la confrence de 1995. Cela risque de redonner de l'intérêt aux débats sur le sujet dans la Con,férence.
Après celle d'Hillary Clinton, l'intervention de la nouvelle Haute-representante de l'Union européenne pour les afaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton parût bien pâle. Celle-ci s'est contentée de reprendre en l'affadissant, les termes de la "position commune" adoptée par les pays de l'Union (voir messages précédents).
La déclaration faite par la France, effectuée donc par l'ambassadeur Éric Danon, n'a apporté aucune nouveauté par rapport au discours officiel français actualisé depuis l'accession à la présidence de Nicolas Sarkosy.
"La France a choisi de convaincre par l’exemple et de porter des initiatives ambitieuses dans tous les domaines du traité"  a essayé de convaincre M. Danon en rappelant les décisions de réductions et de fermetures de sites en 1997. Or chacun sait qu'aucune de ces décisions n'ont été prises dans un but de désarmement, et qu'il ne s'agit que d'une argumentation a posteriori dans un seul souci de communication. Après ce rappel d'une soi-disant "bonne conduite" de la France, M. Danon a consacré l'essentiel de son propos aux mesures de non-prolifération et à la question de l'expansion du nucléaire civil, pour lequel, il reconnaît qu'il faut imaginer une "nouvelle gouvernance"...
Le désarmement nucléaire n'a été évoqué toujours que sous la condition de l'évolution du contexte stratégique et du contexte de sécurité, en opposant cette méthode qui serait pragmatique à celle "des bonnes intentions et des incantations". Moyennant cette fausse opposition entre réalistes et "rêveurs", nous rendrions l’élimination des armes nucléaires "réalisable à terme" (alors que l'article VI du Traité parle de "délai rapproché"..
En fait, la France ne s'inscrit pas réellement dans un monde sans armes nucléaires sinon dans un futur hypothétique et forcément très, très lointain. Sa principle vision, comme l'a rappelée l'ambassadeur Danon est celle d'un "monde où tous les Etats œuvreront résolument pour faire progresser le désarmement dans toutes ses composantes ; où les doctrines des puissances nucléaires réduiront le rôle des armes nucléaires aux seules circonstances extrêmes de légitime défense face à une atteinte à leurs intérêts vitaux, avec des arsenaux réduits à leur stricte suffisance en fonction du contexte stratégique international".
Il est clair qu'une telle vision qui contribue à perpétuer la situation actuelle inégale (les "have" et les "have not"), porteuse de prolifération permanente et de pérennisation "indéfinie" de fait des armes nucléaires, ne peut permettre de renforcer réellement le TNP, et ne pourra qu'accroître la méfiance de certaines puissances moyennes régionales envers les déclarations des puissances nucléaires.
5/05/2010

TNP : les choses sérieuses ont commencé !

La Conférence d'examen 2010 du TNP a commencé avant l'heure : dès le samedi 1er mai, à l'avant-veille de l'ouverture, puisque le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon s'est adressé en avant-première aux délégués participant à une Conférence internationale pour la paix, l'abolition des armes nucléaires, un monde juste et durable, en leur disant : "continuez d'être la conscience du monde !".
Ce discours de Ban Ki Moon était particulièrement significatif puisqu'il se déroulait dans l'église de Riverside, là même où le prix Nobel de la paix, Martin Luther King Jr lança son appel contre la guerre du Vienam ; là même où Nelson Mandela fit son premier discours public aux USA après sa libération des prisons sud-africaines !
Le message de Ban est clair : "Depuis 65 ans, le monde vit sous l'ombre nucléaire. Combien de temps allons-nous attendre pour nous délivrer de cette menace ? Combien de temps allons-nous transmettre ce problème aux générations successives ? Nous savons ici qu'il est temps de mettre un terme à ce cycle insensé. C'est une nécessité urgente ici et maintenant. Nous savons que le désarmement nucléaire n'est pas un rêve distant et inaccessible. C'est une nécessité urgente ici et maintenant. Nous sommes déterminés à l'atteindre."
Il a été reçu cinq sur cinq par le millier de participants à la Conférence de Riverside. et le lendemain, en plein coeur de Manhattan sur la 7e avenue, ce sont plus de 10 000 manifestants qui se sont regroupés pour un défilé haut en couleurs jusqu'au siège de l'ONU.
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(photo : N. Gauchet)

Les ONG et les institutions internationales ont mis une pression maximale sur les États à l'ouverture de la Conférence d'examen du TNP.  Ce lundi matin pour donner le ton, 150 militants du Mouvement de la paix, tout de noir vêtus avec un masque blanc sur le visage ou derrière la tête, se sont dressés sur le trottoir face à l'ONU, tels les fantômes de la réprobation universelle face à la folie des puissants. Le message sera-t-il entendu ?

Les enjeux de la Conférence du T.N.P (IV-fin)

Les enjeux de la Conférence du T.N.P (III)

Si, lors de cette Conférence 2010 du TNP, on peut penser que la France ne sera malheureusement pas dans les supporters actifs de la relance du désarmement nucléaire, la situation n'est guère plus claire du côté des autres puissances nucléaires officielles.
Les États-Unis, d'abord, qui jouent un rôle central, accepteront sans doute de soutenir un texte final comportant la réaffirmation d'engagements symboliques. Ils risquent quand même d'être mis en diificulté car Barak Obama a peu de choses nouvelles à "mettre sur la table" en matière de désarmement nucléaire en dehors de l'accord START "nouveau" qui est important symboliquement mais apporte peu d'avancées significatives conrètes. Il lui faudra déjà plusieurs mois pour le faire ratifier par le Sénat, ce qui retarde d'autant la possibilité de refaire discuter le Sénat du traité d'interdiction des essais nucléaires (CTBT ou TICE), déjà rejeté en 1997 par les Sénateurs qui n'y sont guère plus favorables aujourd'hui. De plus, les efforts de la diplomatie US pour obtenir une nouvelle résolution du Conseil de sécurité durcissant les sanctions contre l'Iran risquent de "parasiter" les débats de la Conférence du TNP.
Les USA peuvent-ils et ont-ils la volonté de faire avancer la négociation sur un Traité d'interdiction des matières fissiles ("cut-off") ? L'Inde semble ne plus s'y opposer, reste le Pakistan que les USA ont les moyens de faire fléchir... Autre concession américaine possible : l'acceptation de la création d'un organisme permanent de suivi du TNP demandé par certains peys nordiques européens. C'est contraire à la méfiance traditionnelle américaine envers les "machins" onusiens, mais ça "ne mange pas de pain" et Obama peut vouloir faire un acte de communication...
Les Russes seront sans doute discrets et ne soutiendront les USA que s'ils ont de nouvelles assurances sur l'abandon définitif du bouclier anti-missile. Les Chinois seront encore plus discrets : ils restent très attentifs aux progrmmes de modernisation d'armes tant qu'américaines, russes et mêmes français (voir article précédent sur le M51).
Quels sont les rapports de force dans les pays non-nucléaires ? Plusieurs groupes de pays (qui se recoupent parfois) se sont constitutés au fil des Conférences et essaient de faire avancer des objectifs plus ou moins généraux. Le bloc des pays non-alignés, issu des coalitioins du temps de la Guerre froide, reprend un peu d'activité, demande un engagement plus grand des puissances nucléaires pour le désarmement, et, comme le groupe des pays arabes, soutient la création d'une zone dénucléairisée au Moyen-Orient.
Deux groupes de pays, aux objectifs très proches, et comprenant des puissances moyennes du Sud et du Nord (Afrique du Sud, Suède, Canada, Slovénie, etc..) se regroupent au sein, soit du groupe du Nouvel Agenda, soit en collaboration avec The Middle Power Initiative qui a le soutien de neuf ONG internationales. Ces groupes essaient de promouvoir des calendriers de mesures de confiance et de désarmement progressives pavant le chemin vers un monde sans armes nucléaires.
J'ai mis à part un groupe de pays qui joue de plus en plus un certain rôle autonome dans les réunions internationales, c'est l'Union européeene. Depuis plusieurs années, déjà, la tradition a été établie que ce soit l'abassadeur du pays qui préside l'Union européenne qui fasse la première intervention de portée générale lors de la séance plénière du TNP. Cette année, cette intervention, s'appuiera sur une "position commune" qui est un acte juridique qui lie les pays de l'Union sur un certain nombre d'axes politiques. L'enjeu est évidemment de déterminer le degré de précision des termes de ce texte et la marge de manoeuvre et d'interprétation qu'il laissee à chaque État notamme à la France et au Royaume-Uni.
La "position commune" adoptée par les pays de l'UE a  le mérite d'appeler au maintien et au renforcement du TNP, de l'importance de l'articile VI et de la réduction des armements nucléaires, à commencer par les deux plus importants. Il ne devrait pas gêner la France qui prétend qu'elle applique de manière exemplaire le TNP. Un des seuls mérites de cette réaffirmation de l'Union européenne de la validité du TNP et de son article VI, visant l'élimination des armes nucléaires, est sans doute de créer plus de difficultés politiques pour ceux qui, en Europe, rêvent de Manière plus ou moins ouverte, de coopération nucléaire renforcée entre les deux forces britanniques et françaises et dans un avenir plus lointain d'une sorte de "nucléarisation" de la défense européenne.
Il est clair que les pays non-nucléaires ne sont pas à euxseuls suffisamment puissants et unis pour imposer des progrès substantiels aux pays nucléaires sans une conjonction avec la société civile. Cela se produit déjà avec The Middle Power Initiative, c'est aussi un but du projet global Zéro.
Nous reviendrons sur la place des ONG et des citoyens dans un prochain article.
29/04/2010

Les enjeux de la Conférence du T.N.P (II)

Comment se présente la Conférence d’examen de 2010 du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) ?
Sera-t-elle comme en 2005 instrumentalisée d'un côté par les puissances nucléaires pour redire que seule la lutte contre la prolifération est essentielle ce qui permettrait en face à l'Iran de jouer les "vertus outragées" et de bloquer les débats ?
Verra-t-elle un tournant et permettra-t-elle aux États participants de prendre un engagement "sans équivoque" en faveur de nouveaux pas pour le renforcement du TNP dans toutes ses dimensions, y compris celle de l'élimination des armes nucléaires ?
Ce 28 avril, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a de nouveau appelé les pays à saisir la fenêtre d'opportunité actuelle pour instaurer un monde exempts d'armes nucléaires. « (...) nous ne pouvons pas non plus nous permettre de ne pas saisir cette occasion pour faire des progrès : sur le désarmement, sur le respect des engagements en matière de non-prolifération, y compris en ce qui concerne la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, et sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire », ajoute-t-il. M. Ban a conclus en estimant qu'« Il est plus que jamais urgent que les populations du monde entier exigent le changement, exigent que des mesures soient prises qui aillent au-delà des demi-mesures prudentes du passé ».
Si l'élan est clair du côté des Nations unies, qu'en est-il du côté des États nucléaires ?
La France a pour le moment déposé un seul document de travail et il est relatif uniquement à la lutte contre la prolifération (NPT/CONF.2010/WP.32). Il est centré autour de l'idée que "Une réponse prompte, déterminée et crédible de la communauté internationale à ces crises de prolifération est indispensable pour préserver le TNP, fondement essentiel du système de sécurité collective, pour maintenir la confiance de ses membres dans la capacité du Traité à assurer leur sécurité, et pour éviter le développement par d’autres pays d’activités nucléaires à des fins non pacifiques."
Pour comprendre les fondements de la politique de la France concernant le désarmement nucléaire, il est intéressant de consulter la FAQ (foire aux Questions) figurant sur le site ouvert par le Ministère des Affaires étrangères à l'occasion du TNP (FranceTNP2010).
On y lit :
"Certains estiment que des efforts renouvelés de désarmement seraient nécessaires pour permettre des progrès en matière de non-prolifération.
Cette approche est contestable. On peut se demander si c’est vraiment en éliminant davantage d’armes nucléaires que nous réussirons à convaincre des pays en violation de leurs obligations internationales de les respecter. Regardons les faits. C’est au milieu des années 1990 que certains pays ont développé ou accéléré un programme nucléaire clandestin. Pourtant, au même moment, les Etats dotés étaient fortement engagés dans un processus de désarmement nucléaire et de maîtrise des armements, que ce soit unilatéralement (comme la France et le Royaume-Uni), bilatéralement (les Etats-Unis et la Russie) ou multilatéralement (avec l’extension indéfinie du TNP en 1995 et la signature du TICE en 1996).
Au contraire, l’aggravation des crises de prolifération constitue une désincitation à la poursuite des réductions nucléaires. C’est seulement lorsqu’existe un sentiment de sécurité et de conf iance que le désarmement est possible.
"
Si cette argumentation a une valeur, elle gomme toute approche dynamique de la diplomatie et de la négociation puisqu'elle aboutit à geler toute nouvelle avancée sur le désarmement dans l'attente d'un hypothétique alignement des "mauvais élèves proliférateurs" sur la norme décidée par les puissances nucléaires, alors même que l'immobilisme des puissances nucléaires pour respecter leurs obligations de désarmement est une des causes du blocages.
Plus important, cette argumentation sert de prétexte n'ont seulement à ne rien faire mais à essayer de miner les efforts de relance du désarmement, contenus par exemple dans les discours du Président Obama.
Les diplomates français, y compris le président Sarkozy, consacrent leur énergie à "torpiller" B. Obama sur le thème : "L’an dernier, à Prague, le Président Obama a affirmé fortement son ambition d’un monde sans armes nucléaires (...) Voilà pour la vision. Mais, pour ce qui est de l’action, la situation s’av ère moins brillante." (extraits de l'allocution prononcée à la conférence « Global Zero » par Pierre Sellal, Secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères et européennes à Paris, 2 février 2010).
Alors, la France peut bien afficher sur son site en page d'accueil "La France est pleinement mobilisée pour contribuer au succès de cet événement. Nous devons saisir cette occasion pour progresser vers un monde plus sûr (...)", le fait d'avoir quelques jours avant la Conférence fait un nouveau tir d'essai de son nouveau missile stratégique M51 (dont la seule justification est de pouvoir atteindre plus facilement la Chine) n'envoie pas forcément un signal très crédible à la Conférence d'examen du TNP...
29/04/2010

Les enjeux de la Conférence du T.N.P (I)

Le TNP (Traité de non prolifération nucléaire) est un traité international faisant date dont le triple objectif est d’empêcher la prolifération des armes et technologies nucléaires, de promouvoir la coopération dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et de favoriser la réalisation du désarmement nucléaire et d’un désarmement général et complet. Le TNP représente le seul engagement contraignant en matière de désarmement pris par les États dotés d’armes nucléaires dans le cadre d’un traité multilatéral : en même temps, c'est le Traité qui a recueilli le soutien le plus large puisque 191 pays l'ont ratifié et que seuls l'Inde, Israël et le Pakistan ne l'ont pas fait (la Corée du Nord dit s'en être retiré ce que les autres pays n'acceptent pas).
Depuis l'entrée en vigueur du Traité en 1970, des conférences se sont tenues tous les cinq ans afin d'en examiner le fonctionnement. En 1995, les pays signataires ont décidé de le "proroger indéfiniment" ce qui signifie qu'il n'y a plus de discussion sur son renouvellement. Par contre, à cette Conférence, les États avaient joint des recommandations dont celles de signer un Traité d'interdiction des essais nucléaires en 1996 (fait mais pas ratifié donc pas entré encore en application !), de signer un traité d'interdiction des matières fissiles militaires (pas encore discuté !), d'établir une zone dénucléarisée au Moyen-Orient (votée par l'Assemblée générales de l'ONU mais pas encore décidée).
En 2000, La Conférence d’examen avait voté aussi des recommandations positives : 13 "étapes pratiques" pour renforcer le TNP et son volet désarmement nucléaire (elles n'ont pas été respectées).
L'élection de Georges W. Bush, la politique américaine de mépris des traités internationaux qui s'ensuivit, l'attitude d'autres pays nucléaires comme la France ont abouti à la Conférence d'examen de 2005 à enterrer les avancées sur le désarmement, au profit du seul discours sur la lutte contre la prolifération et la "triche" de certains États, ce qui a permis en contrepartie à l'Iran de se donner le "beau rôle". 2005 reste une "année noire".
En 2010, le contexte a changé, en partie avec les déclarations sur la nécessité de relancer le désarmement nucléaire faites par le président Obama, l'accord de limitation des têtes nucléaires russo-américain, la crainte peristante d'un terrorisme nucléaire.
Selon la position officielle de l'ONU, la Conférence d’examen de 2010 devrait porter sur plusieurs questions : le caractère universel du Traité; le désarmement nucléaire, y compris des mesures pratiques spécifiques; la non-prolifération des armes nucléaires, y compris la promotion et le renforcement des garanties; des mesures pour faire avancer l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, la sûreté et la sécurité; le désarmement et la non-prolifération à l’échelle régionale; l’application de la résolution de 1995 sur le Moyen-Orient; des mesures pour gérer le retrait du Traité; des mesures pour renforcer davantage le processus d’examen; et des moyens pour promouvoir l’engagement auprès de la société civile en renforçant les normes du TNP et en faisant la promotion d'une éducation centrée sur le désarmement.
Qu'en sera-t-il ? Quelles sont les différentes forces en présence ? Quels enjeux ?
C'est ce que nous examinerons dans un prochain article.
28/04/2010